Les feux qui consument la forêt amazonienne sont souvent déclenchés par des agriculteurs qui répondent à la demande croissante de soja. La France veut convaincre ses partenaires européens de l’intérêt de la souveraineté en protéines végétales de l’UE. Un article de notre partenaire européen Euractiv.

Les incendies en Amazonie ont mis un coup de projecteur sur la production agricole en Amérique du Sud, accusée de déclencher sciemment des feux dans le Cerrado, la savane brésilienne, pour ensuite l’exploiter. Des terres qui servent ensuite à produire du soja le plus souvent, voire du coton ou du maïs, que les pays membres de l’UE sont ravis d’acheter en raison de tarifs compétitifs. Les conséquences environnementales catastrophiques ont incité le président français à proposer de mettre en place une « souveraineté protéinique européenne », ainsi qu’à suspendre son soutien à l’accord commercial du Mercosur. Comme Greenpeace le soulignait noir sur blanc en juin dernier, « l’Europe alimente la crise climatique par son addiction au soja ».

Car si l’UE importe la majorité de son gaz et de son pétrole, elle est aussi totalement dépendante des importations en matière de protéines animales : poules, vaches et cochons européens absorbent pas moins de 37 millions de tonnes de protéines végétales importées.

Consciente du problème, la Commission Juncker a commencé à se pencher sur le problème. Non pas en proposant de réduire la consommation de viande, qui est pourtant à l’origine du problème mais reste un sujet tabou. Mais en identifiant que « le soja représente un problème particulier, car l’autosuffisance de l’UE en soja n’est que de 5 % », comme le soulignait Phil Hogan l’année dernière.

Soja européen, tourteaux de colza : les alternatives

Le soja OGM planté sous les tropiques présente une productivité nettement supérieure au soja non-OGM que certains agriculteurs tentent de faire pousser en Europe.

« Il faudrait plus travailler sur les semences pour pouvoir en faire pousser en Europe », estime Arnaud Rousseau, président du groupe Avril, qui a aussi une ferme produisant du soja en Ile-de-France. En 3 ans, les surfaces de soja cultivées en France ont été multipliées par 10, pour atteindre 160 000 hectares, une goutte d’eau sur les 29 millions d’hectares exploités dans l’Hexagone.

En tant que responsable du premier groupe de biodiesel européen, il plaide surtout pour que les éleveurs choisissent de nourrir leur bétail et autres basses-cours au tourteau de colza plutôt que de soja.

« Il y a un peu moins de protéines, et les agriculteurs n’ont pas l’habitude, mais c’est tout à fait possible de développer cette filière », assure l’agriculteur, militant de la cause des protéines végétales auxquelles il associe une fonction alimentaire, et de souveraineté.

Mais même si la France, qui n’importe que 45 % de ses protéines végétales contre deux tiers pour le reste de l’Europe, tente de faire bouger les curseurs, notamment en raison de son rôle prépondérant sur le marché du biodiesel, produire en Europe toutes les protéines végétales nécessaires à l’alimentation des animaux, soit 43 millions de tonnes par an, dont 12 millions de tonnes de soja brésilien, n’est pas envisageable techniquement.

Et l’ambition française subite en matière d’indépendance alimentaire et d’environnement se heurte à des enjeux politiques. L’agriculture n’est pas prioritaire et joue plus les monnaies d’échange, comme le montre la question de la crise sur l’accord Mercosur : la France, le Luxembourg veulent geler l’accord commercial, alors que l’Espagne et l’Allemagne, inquiètes de la fragilité de leur croissance et de leux exportations, souhaitent au contraire le conserver .

La question devra être tranchée par la nouvelle Commission, qui devra louvoyer avec un Parlement européen très préoccupé des questions environnementales sur sa gauche, et de croissance sur sa droite. Inquiet de préserver les forêts, le Parlement européen qui travaille déjà sur le sujet devra composer avec une majorité de droite divisée sur la question.

Aline Robert (Euractiv.fr)