« C’est la pomme de terre qui m’occupe la majorité du temps », avoue Cyril Rousseau, agriculteur à Saint-Just-en-Chaussée. Installé en 2012 sur 115 ha, le planteur cultive une vingtaine d’hectares de betteraves et 9 ha de pommes de terre pour MacCain. Depuis son installation, il travaille en commun avec son épouse Noémie et sa belle-mère qui, aidées de deux salariés et d’un apprenti, exploitent ensemble deux fermes. Tout le travail est effectué en commun. Au total, le groupe rassemble 570 ha sur deux sites. L’assolement réuni comprend 310 ha de blé, 120 ha de betteraves (Tereos Chevrières), 20 ha de colza, 35 ha de pois protéagineux, 28 ha de lin textile, 55 ha de pommes de terre et 3 ha de jachère. « Avec une telle diversité, nous ne nous ennuyons pas », s’amuse le planteur. Chaque exploitation dispose de sa main-d’œuvre et de son matériel. Seul le pulvérisateur et la moissonneuse-batteuse sont détenus en commun. Tous les chantiers sont faits en entraide.

Des besoins financiers conséquents

En 2011, Noémie et ses parents équipent leurs fermes d’un système d’irrigation. Pendant deux ans ils cultivent de l’oignon, mais arrêtent cette production au profit de 20 ha pommes de terre sur une exploitation en 2014 et sur l’autre en 2015. Cyril introduit cette culture en 2018. Simultanément le réseau d’irrigation est étendu. « Nous avons réalisé deux forages de 70 m de profondeur, un pour 250 ha et un autre pour 300 ha », explique l’agriculteur. L’investissement atteint 400 000 €, avec le réseau enterré et les deux enrouleurs.

« Nous avons augmenté notre sole pommes de terre progressivement, en diminuant les blés sur blé et colza. Les besoins en capitaux sont énormes », décrit Cyril. Entre les coûts du plant (environ 1 000 € par hectare), le matériel, le stockage, l’électricité, la main-d’œuvre, etc. Le groupement a investi dans une fraise (30 000 €) et une planteuse (20 000 €). Quant au déterreur (100 000 €), l’arracheuse (85 000 €), les trois sauterelles (50 000 €) et le remplisseur à pallox (20 000 €), ils sont achetés en commun avec deux autres agriculteurs. « La proximité avec un voisin « patatier » nous a beaucoup aidés, reconnaît le planteur. Jusqu’en 2017, ce dernier semait et récoltait nos pommes de terre en prestation de service. Ensuite, nous avons décidé d’investir progressivement dans du matériel. Cette période nous a permis de nous former techniquement », relate Cyril Rousseau qui adhère aussi au Gitep (Groupement d’intérêt technique et économique de la pomme de terre). Dès 2018, les trois exploitations ont investi dans un bâtiment de stockage de 2 200 t (740 m2 sur 9 m de hauteur), pour un coût de 400 000 €.

Pour les frites de McDo

Cyril commercialise toutes ses pommes de terre chez MacCain. Ses associées aussi. Seule une exploitation a gardé un contrat avec Chipex, grossiste en pommes de terre spécialisé en variétés pour les chips à destination du grand export. « Nous cultivons quatre variétés, de précoce à demi-tardive et tardive. Ainsi nous arrachons du 20 septembre au 10 novembre », détaille le producteur. Les premières partent pour les chips, avec des prix plus élevés mais une production moindre. Au final le chiffre d’affaires par hectare reste voisin, mais les variétés précoces s’avèrent moins stables en rendement, étant donné le cycle plus court de végétation. « Nous devons obtenir un chiffre d’affaires minimum de 6 000 €/ha pour nous rémunérer et 7 000 € avec le stockage », dévoile l’exploitant. Le contrat avec MacCain sécurise le revenu. Le planteur peut choisir un contrat annuel ou un pluriannuel sur trois ans. Deux tiers des pommes de terre sont contractualisés ainsi, avec un versement de primes supplémentaires la deuxième et la troisième année. Les pommes de terre sont expédiées à Matougues, dans la Marne, usine dotée de la plus grande ligne de production mondiale de frites avec 600 t par jour. Transformées, elles arriveront dans les menus McDonald’s. Les prix à la récolte varient de 80 à 120 € et augmentent avec le stockage (180 € en juin). Avec l’irrigation, les trois exploitants sécurisent le rendement (autour de 60 t/ha net vendu).

Le champion canadien de la pomme de terre exige des producteurs un label Global gap (Good Agricultural Practices). Ce référentiel de bonnes pratiques et d’amélioration continue en matière de cultures comprend 224 critères à respecter, notamment dans le domaine de l’environnement et la sécurité alimentaire. La firme incite ses producteurs à rationaliser l’utilisation des pesticides et l’usage de l’eau, et à diversifier les cultures au sein de leur ferme. « Nous utilisons Mileos pour déclencher les traitements antimildiou. Nous sommes connectés à deux stations méteo et alertés par SMS. Vu le caractère récent de nos installations, nous bénéficions déjà de techniques pour réduire les consommations d’eau. De même, notre bâtiment de stockage est très isolé afin de limiter les consommations électriques. Mais nous devons rester évolutifs et flexibles. Nous avons l’impression d’être constamment en phase transitoire avec cette culture passionnante », conclut Cyril Rousseau, sourire aux lèvres.

Earl Tourte, Saint-Just-en-Chaussée (Oise)

SAU : 115 ha dont

Blé 60 : ha

Pois protéagineux : 20 ha

Betteraves : 20 ha

Pommes de terre : 9 ha

Lin textile : 8 ha

Jachère : 3 ha