Kristina Pluchet a fait son entrée au palais du Luxembourg, jeudi 1er octobre 2020. Un parcours inattendu pour cette agricultrice de 47 ans, mère de trois enfants, élue en 2014 conseillère municipale dans sa commune de Saussay-la-Campagne, près d’Étrépagny dans l’Eure, et élue maire en mai dernier.

Elle a été élue sénatrice (LR) sur la liste centriste d’Hervé Maurey et a dû renoncer à son poste de maire. « Mais je reste conseillère municipale », déclare la nouvelle sénatrice, agricultrice avec son mari Yves sur la ferme familiale spécialisée dans les cultures industrielles, dont les betteraves sucrières livrées à l’usine Saint-Louis Sucre d’Étrepagny.

Saussay-la-Campagne est son village d’adoption. Kristina Pluchet s’est installée il y a une dizaine d’années avec son mari, dont la famille y habite depuis les années 1930. Celle qui a fait ses premiers pas en politique en 2014 se défend de courir après les mandats. « Dans la famille, on a l’habitude de s’investir et du côté de mon mari aussi puisqu’il a un oncle qui a été sénateur en 1983 et maire. »

Seule sénatrice agricultrice

La nouvelle élue a été bien accueillie par ses collègues. « C’est vrai, je suis la seule femme élue qui est agricultrice. Nous sommes 18 sénateurs sur les 348 à siéger au Sénat qui sont issus de la profession agricole, mais la plupart des sénateurs sont aussi issus du milieu rural et ils ont tous un regard bienveillant à mon égard », indique l’agricultrice.

« Le Sénat représente les collectivités territoriales et locales. Le sénateur Maurey m’a choisie sur sa liste “unis pour nos communes et la ruralité » pour porter haut et fort la voix de la ruralité et de l’agriculture ; et le Sénat cela ne se refuse pas, même si j’ai dû laisser mon mandat de maire avec un pincement au cœur », déclare la nouvelle élue.

Kristina Pluchet a été désignée membre de la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable au Sénat et elle entend bien défendre la ruralité, les petites communes et l’agriculture dans sa diversité et sa pluralité.

Et évidemment, c’est l’agriculture qui a été son premier cheval de bataille en défendant la réintroduction des néonicotinoïdes dans l’enrobage des semences betteravières. Elle est intervenue en première lecture sur ce « projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières ». La dérogation ainsi appelée dans la loi votée par l’assemblée nationale puis par le Sénat.

« J’ai défendu bec et ongles cette dérogation pour trois ans et j’ai plaidé pour une cause de revoyure dans trois ans pour savoir si des moyens de substitution seront trouvés, car il n’est pas question d’abandonner la filière sucre et les planteurs de betteraves sans alternative aux néonicotinoïdes. La dérogation était vitale pour toute la filière sucre car dans certains secteurs comme en Vallée de Seine, les chutes de rendements sont très importantes. On récolte cette année entre 50 et 60 tonnes de betteraves par hectare contre 100 tonnes habituellement. On courait à la catastrophe en continuant ainsi. On n’aurait pas dû imposer une telle décision sans s’être assurés que la profession agricole avait les moyens de pallier la suppression des néonicotinoïdes », déclare la nouvelle sénatrice.

Kristina Pluchet défend son métier qu’elle connaît bien. « Je suis femme d’agriculteur. Je suis sur le terrain. Je fais les comptes de l’exploitation agricole et je sais que nous perdons de l’argent depuis plusieurs années avec la baisse des aides de la PAC et nous sommes les premiers touchés par le changement climatique, le stress hydrique sur les cultures et, maintenant, la baisse du prix des betteraves sucrières et la crise du lin. Depuis 2016, avec la baisse des prix des produits agricoles et des rendements, on a perdu entre 30 à 40 % de notre chiffre d’affaires », explique l’agricultrice euroise.

Contre les lobbys verts !

Une situation que la nouvelle élue nationale veut contribuer à inverser en se battant d’abord contre les « lobbys verts » qui accusent les agriculteurs de pollueurs. « Ils ne savent pas ce que c’est le métier d’agriculteur. On nous accuse de polluer. Mais ils ne comprennent pas que les agriculteurs aiment leur terre profondément et la respectent. Aujourd’hui, la grande majorité des agriculteurs est prête à relever le nouveau défi de produire différemment, de façon durable. C’est injuste, déplacé et diffamatoire de nous accuser de tous les maux », déclare sans ambages la sénatrice de l’Eure, bien décidée à défendre l’image des agriculteurs au palais du Luxembourg.

Kristina Pluchet souhaite s’engager d’abord dans la défense des petites et moyennes exploitations familiales qui sont encore la majorité en France. Elle va aussi se battre pour revoir les aides de la PAC et s’engager dans la revalorisation des retraites agricoles. Elle souhaite également travailler sur l’alimentation durable avec au moins 50 % des produits locaux et bio dans les cantines scolaires et universitaires et les restaurants des collectivités, comme cela est exprimé dans la loi EGalim concernant notamment la restauration collective avec l’interdiction du plastique. « J’aime bien tout ce qui touche au développement durable, car j’ai un petit côté scandinave. Nous sommes en retard sur ces pays-là en matière de recyclage et d’énergies renouvelables et il y a plein de choses à développer », argue-t-elle.

La jeune élue sénatrice a du pain sur la planche. Mais on la sait volontaire et courageuse pour défendre ses convictions et servir son pays.