Quel bilan faites-vous des indemnisations liées aux conséquences de la Covid-19 ?

Le dépôt des dossiers est clos depuis le 2 février. Nous espérons que les producteurs seront payés fin juin au plus tard. Mais nous avons le sentiment d’avoir été lésés. Non, seulement, nous avons été restreints sur l’enveloppe (NDLR : 4 millions d’euros au lieu des 10 millions d’euros promis par Didier Guillaume en juin 2020), mais également sur les modalités d’attribution. Des obligations ont été rajoutées qui empêchent certains producteurs d’être indemnisés. Ils considèrent, par exemple, qu’il y a un coût minimum d’instructions du dossier qui rend le seuil de pertes éligibles minimales à 24 tonnes par exploitation correspondant à un montant de 1 200 euros. Cela pénalise les petits producteurs. Les conditions d’attribution spécifient l’obligation de présenter des factures. Or, quand il a fallu dégager des volumes de pommes de terre, cela s’est fait au plus vite, souvent sous forme de dons à des tiers ou pour de l’autoconsommation dans les élevages. Nous ne connaissions pas le cahier des charges. On s’était mis d’accord avec les industriels à l’époque pour qu’ils assument leurs contrats et dégagent les volumes. Mais aujourd’hui, les industriels ne sont pas éligibles aux aides.

Où sont les 6 millions d’euros manquants ?

C’est le grand flou. C’est la grande promesse non tenue du gouvernement. Le ministère a évoqué la possibilité d’un soutien pour la modernisation des bâtiments. Mais là, on n’est plus sur une aide conjoncturelle comme prévu mais structurelle pour de l’aménagement. Et ce n’est plus un besoin de 6 millions d’euros mais un investissement global nécessaire de 200 millions d’euros, rien qu’en Hauts-de-France, pour l’aménagement des bâtiments suite à la fin du CIPC. Cela pourrait être une aide venant du programme européen Feader, et payée par les régions. Mais c’est un tout autre sujet. La promesse du « quoi qu’il en coûte » faite par Emmanuel Macron pour les conséquences de la pandémie n’est pas tenue pour notre filière, d’autant que nous avons reçu un refus de bénéficier du plan de relance sur les bâtiments et la conservation.

Près d’un an après l’interdiction du CIPC, quelles sont les conséquences ?

Le surcoût pour les producteurs a été évalué par Arvalis en moyenne à deux à trois fois selon les produits. L’été 2020 très chaud a entraîné des levées de dormances précoces et donc des départs en germination plus rapides. Il y a eu aussi des problèmes de disponibilités de produits, car un des produits, Dormir, est fait en Chine. Il y a eu des problèmes de livraisons dès le mois de juin à cause de la forte demande. Heureusement, nous avons obtenu une autorisation de mise sur le marché accélérée de l’Argos, pour un produit d’origine naturelle à base d’huile d’orange. On a pu gagner un mois. Mais il y a beaucoup des contraintes techniques à respecter (températures, volatilité) pour obtenir une bonne efficacité.

Avez-vous pu répercuter les surcoûts dans les contrats ?

Nous avions commencé à travailler dessus avec les industriels pour la campagne 2020-2021. La plupart ont joué le jeu sur les contrats longue durée autour d’une dose homologuée. Mais il y a eu une adaptation de la dose, en fonction des variétés et des bâtiments. Aujourd’hui, nous constatons une baisse généralisée sur les contrats 2021 de l’ordre de 10 % à la récolte, mais de 3 % environ en comptant le stockage. Les coûts des producteurs n’ont pas du tout baissé, au contraire. Le producteur ne peut pas être la variable d’ajustement des politiques environnementales et des stratégies industrielles. Nous mettons en garde les producteurs pour ne pas signer des contrats les yeux fermés. Nous leur conseillons de faire moins de pommes de terre contractualisées mais à un prix rémunérateur, et surtout qu’ils soient très vigilants sur le cahier des charges, pour éviter qu’ils se mettent en situation de risques.

Allez-vous demander une aide Covid 2 pour faire face aux nouvelles restrictions depuis l’automne ?

Nous travaillons sur le calcul des conséquences des nouvelles restrictions sanitaires et fermetures de restaurants depuis l’automne. Nous avions 400 000 tonnes de surplus au printemps. Pour l’instant, il est encore un peu tôt pour donner un chiffre. Les conditions de récolte ont été difficiles, les rendements ont un peu baissé, d’autant que les tubercules ont été malmenés par les problèmes de récolte. Ajouté à cela, les producteurs doivent utiliser de nouveaux produits plus techniques pour remplacer le CIPC. Tout cela va avoir des conséquences importantes sur la conservation. Nous devrions pouvoir faire un bilan en février et mars. Nous réfléchissons à la possibilité de demander de nouvelles aides.

L’arrêté de dérogation sur les néonicotinoïdes en betteraves aura-t-il des conséquences sur la production de pommes de terre ?

L’arrêté prévoit que la plantation de pommes de terre après betteraves traitées aux néonicotinoïdes ne peut se faire qu’en N+2. C’est un non-sens. Nous ne sommes pas d’accord avec l’analyse faite par l’Anses. La pomme de terre n’est pas du tout une plante mellifère. Quand elle fleurit, son pollen est très lourd et n’attire pas les abeilles. Nous demandons à Arvalis de regarder les conséquences sur les bourdons et les pollinisateurs sauvages. La priorité a semble-t-il été donnée au colza qui concerne 10 % de surfaces en régions betteravières au détriment d’autres productions comme la pomme de terre qui pèse 4 %, mais avec des disparités très fortes. En Champagne-Ardennes, ce sont 10 % des surfaces. Il y aura des conséquences, mais pour l’instant cela est difficile à prévoir. Le danger est surtout sur la pomme de terre de fécule, où il manque déjà des surfaces. Nous espérons que les lignes pourront bouger l’an prochain, lors du renouvellement de la dérogation.

Quelles sont vos priorités sur la réforme de la PAC ?

Nous demandons non seulement le maintien mais aussi une augmentation des aides couplées à la production de pommes de terre de fécule. Il faut relancer cette filière, elle répond aux nouvelles attentes sociétales en matière d’alimentation. Nous souhaitons que les aides passent de 80 à 200 euros / hectare. Cela représenterait une enveloppe de 5 millions d’euros. Il est temps que la PAC aide aussi les grandes cultures. La majorité des producteurs de pommes de terre est engagée dans des démarches de certification. Nous souhaitons que cela soit reconnu dans le cadre des ecoscheme. C’est le cas de Global Gap et de la certification environnementale de niveau 2 que nous allons pousser.