Aux États-Unis, l’heure du bilan approche. Les farmers vont inventorier les dommages causés par les températures polaires qui se sont abattues dans le centre et le sud du pays, jusqu’au Texas.

Mais sur les places de marché, les opérateurs ont déjà manifesté leurs inquiétudes. À Rouen, le cours de la tonne du blé a progressé de 5 € la semaine 8 pour atteindre 228 €, tandis que les cours de la tonne de maïs et d’orge fourragère franchissaient allègrement le seuil de 210 €.

Depuis, le bassin de la mer Noire est à son tour plongé dans un froid polaire. Une partie des cultures d’hiver pourrait aussi périr et le blé se faire rare. Si bien que la tonne de la céréale a de nouveau augmenté (231 € le 23 février).

La fin de campagne de production et d’exportation est décidément bien plus difficile qu’escompté il y a encore quelques semaines. Car avant même que ces vagues de froid ne surviennent, la période de transition entre les mois de juin et d’août prochains s’annonçait déjà tendue. Les stocks de report de blé seront en repli dans la plupart des principaux pays exportateurs.

Selon l’USDA, ils n’excéderaient pas 22 millions de tonnes (Mt) aux États-Unis (-10 Mt en quatre ans) et ils sont d’ores et déjà estimés à 10 Mt (-4 Mt) dans l’Union européenne (UE). Les stocks mondiaux d’orges et de maïs seront aussi faibles.

Dans l’hémisphère sud, les difficultés mentionnées les semaines passées persistent. L’USDA estime toujours à 109 Mt la production record de maïs au Brésil. Pour autant, l’arrivée de précipitations retarde à nouveau la seconde vague de semis de maïs dans le pays.

Au niveau mondial, les transactions commerciales de blé restent dynamiques alors que la Russie se retire progressivement des marchés depuis l’instauration de sa taxe à l’export de 25 €/t. Et si, au Kazakhstan, la récolte de blé est nettement supérieure à celle encore estimée le mois passé (14 ,2 Mt et non pas 12,5 Mt, + 2,8 Mt sur un an – source Bureau national des statistiques du Kazakhstan), le pays n’exporterait que 7,5 Mt de grains (+0,5 Mt sur un an).

Un équilibre ténu

Dans l’UE, la France tente tant bien que mal d’approvisionner ses clients. Chaque mois, notre pays projette d’exporter un peu plus de blé et d’orges vers les pays tiers que le mois précédent (+240 000 t en février par rapport à janvier), selon FranceAgriMer.

Mais comme la récolte 2020 a été très faible, l’hexagone n’aura expédié hors de l’UE, à la fin du mois de juin prochain, que 7,2 Mt de blé et 3Mt d’orges (-46 % et -26 % par rapport à 2020-2021). Et notre pays ne disposera en stocks plus que de 2,48 Mt de blé (-18 % par rapport à 2019-2020), de 1,07 Mt d’orges (-23 %) et de 1,86 Mt de maïs (-9 %).

Sur le marché intérieur, la campagne de commercialisation des céréales porte les stigmates de la double crise sanitaire et économique qui met notre pays à l’épreuve.

Pour le blé, la grippe aviaire restreint aussi la production d’aliments. Et pour l’orge, les mises en œuvre en malterie porteront finalement sur 240 000 t de grains et non pas sur 250 000 t. La consommation de bière est pénalisée par les fermetures des bars et des restaurants.

La sécurité alimentaire en marche

En menant des politiques agricoles volontaristes, des pays structurellement déficitaires en grains parviennent à accroître leur souveraineté alimentaire.
En Turquie, dans les régions de Sani Urfa et de Mardin, l’implantation de maïs irrigué en deuxième culture permet de doubler la production de grains dans ces régions. La céréale est implantée dès que les blés et les orges sont moissonnés, fin mai-début juin. L’an passé, l’ex empire ottoman doit sa production record de maïs (7,1 Mt ; +18 % sur un an et + 200 % en 20 ans) à une bonne technicité (11,45 t/ha) et à des conditions météorologiques favorables.
En Éthiopie, les rendements du blé (2,4 t/ha) ont triplé en vingt ans. Ils sont bien supérieurs à ceux observés dans de nombreux pays exportateurs majeurs de grains. Si bien que le plus grand pays producteur de blé subsaharien a récolté 5,3 Mt.