« J’aime expérimenter pour gagner en efficacité », reconnaît Hervé De Smedt. Installé depuis 1993 à Autrêches (Oise), à deux pas de Vic-sur-Aisne, il a introduit de nouvelles techniques sur ses 190 ha. Il débute avec l’agriculture intégrée pour réduire ses produits phytosanitaires. Il diminue la sole de blé et implante de nouvelles cultures. Aujourd’hui, son assolement en comprend neuf, dont cinq de printemps. Les cultures industrielles, avec 37 ha de betteraves (Tereos, Bucy), 18 ha de pommes de terre fécule (Tereos, Haussimont) et 8 ha de pois de conserve gardent une place majeure. Le pionner adopte rapidement le bas volume et généralise ses traitements à 70 l/ha.

Agriculture de conservation

Puis, avec les agriculteurs de son Ceta d’Attichy, centre d’études techniques agricoles, il s’intéresse à l’agriculture de conservation des sols (ACS). « Au départ, je regardais cela de loin, se souvient-il. Cela me semblait incompatible avec les cultures comme les pommes de terre ou les betteraves ». Ensuite, au fil des formations, et au vu des coulées de boue dans son village, il se lance sur une partie de son exploitation. Il intensifie les couverts, avec des mélanges d’une dizaine de plantes : phacélie, moutarde d’Abyssinie, radis fourrager, vesce et trèfle… « Aujourd’hui, je pratique les ACS sur les terres avec un assolement sans betterave ni pomme de terre. Sur les autres, j’utilise parfois ma charrue si nécessaire », dévoile l’innovateur. La rotation est en effet différente selon les types de sol. Sa ferme comprend un tiers en limon de plateau, un tiers en bordure de plateau avec des crannettes au sol moins profond et un tiers de terre de vallée sablo-limoneuse.
Toujours avec son Ceta, Hervé suit une formation avec Éric Petiot : « soigner les plantes par les plantes ». « Elle a complètement bousculé mes certitudes crannettes, avoue-t-il. L’intervenant nous a présenté des aspects que nous ignorions sur les plantes, leur manière de réagir face aux agressions, la synergie entre les plantes et le sol. Nous avons appris comment la plante compartimente les champignons agresseurs, mais avec une grosse dépense d’énergie. D’où la nécessité de lui en rétrocéder ». « Ses défenses ont néanmoins des limites, prévient-il. Elles ne sauraient comment lutter contre le mildiou ou l’oïdium ». Curieux, Hervé De Smedt a décidé de tester certaines solutions proposées, comme l’application d’extraits de végétaux fermentés.

Des extraits fermentés de plantes

Depuis deux ans, il pulvérise des extraits fermentés d’ortie, de consoude, de fougère et de bardane sur ses cultures. Il les applique dès la levée de la culture (2-3 feuilles) et à la reprise de la végétation sortie hiver. L’objectif est de ramener la plante dans un bon état de santé pour développer au maximum les cellules en disposant notamment d’oligo-éléments.
Pour cela, l’agriculteur prépare ses extraits avec rigueur. Il prélève 100 kg d’ortie fraîche avant floraison, le matin de bonne heure, soit environ 1 m3. Il les met dans 1000 l d’eau de pluie (non chlorée, non calcaire). Il laisse macérer 15 jours à trois semaines selon l’évolution du pH et du potentiel redox. « J’essaie d’obtenir un acide réduit, avec un pH de 5,8 et un redox de -60. J’arrête alors la fermentation et reverse le contenu dans un cubi de 1000 l avec de la vitamine C. Le produit peut être utilisé et stocké pendant un an ». L’agriculteur dispose ainsi de son extrait végétal pour une application au printemps, avec 5 l/ha dilués dans 60 l d’eau de pluie. Parfois, il rajoute des extraits de consoude, de prêle ou de fougère. Cette année, il a préparé 3000 l d’extraits d’ortie, 2000 l de fougères, 1000 l de consoude et 1000 l de bardane. « C’est nouveau pour moi, reconnaît-il. J’ai encore beaucoup à apprendre. J’observe ».

Des ferments pour les micro-organismes

L’innovateur s’intéresse aussi à l’agriculture régénérative. Celle-ci prend mieux en compte la Capacité d’échange cationique (CEC) actuelle et potentielle pour stabiliser la structure. Elle intègre aussi toute la vie des micro-organismes. « Le principe est d’utiliser de moins en moins de chimie, mais d’avoir recours aux bactéries et aux micro-organismes. Ils aident la plante à prélever les éléments fertilisants et à rendre disponibles les éléments bloqués, affirme Hervé De Smedt. L’agriculteur cherche à augmenter son taux de matière organique, actuellement de 1,6 % en plateau et de 2,2 % en vallée. Il vise 3 à 4 %. C Mais cet objectif reste plus facile là où il n’y a ni betteraves, ni pommes de terre », précise le planteur.
L’an dernier, il a testé des ferments en compostage de surface de ses couverts. Lors de cette campagne, il va incorporer les ferments dans la terre à deux profondeurs différentes dans le sol, tous les 50 cm. Il utilise une cuve frontale couplée avec son fissurateur ou sa charrue, sur laquelle il a adapté un système de tuyaux. « Mon objectif est de casser les lissages dus aux anciens labours. J’espère améliorer la structure du sol », souligne-t-il.
Toujours prêt à essayer de nouvelles techniques pour augmenter ses performances, Hervé De Smedt va expérimenter aussi le thé de compost. Là encore, il vise une amélioration de la synergie plante/sol. Pour cela, il mélange du compost, des champignons ou mycorhizes avec de la mélasse de canne et des composants minéraux dans une eau pluviale à 25 °C. « L’idéal serait d’appliquer trois fois par an, sur toutes les cultures, le thé de compost, détaille-t-il en alternant avec les extraits de végétaux. Avec tous ces apports, j’espère passer à un seul fongicide par an et déplafonner les rendements ». À suivre…