« J’ai été fortement impacté par le virus de la jaunisse, l’an dernier », raconte Bruno Barthelmebs. Cet agriculteur de 41 ans cultive 28 hectares de betteraves sur son exploitation, située en Centre Alsace. « Je me suis lancé dans cette culture il y a dix ans : nous avions décidé d’arrêter la culture du tabac et la sucrerie d’Erstein (Cristal Union) recrutait de nouveaux planteurs pour accroître sa capacité de production ».

Dans son village, à Herbsheim, Bruno Barthelmebs a été l’un des seuls à subir des dégâts, avec des pertes de 30 %. « Dès que les betteraves ont commencé à jaunir, je savais que j’allais trinquer… Heureusement, j’avais une autre parcelle de betteraves à quelques kilomètres de là, à Schaeffersheim, qui était indemne. Cela a sauvé le rendement ».

À l’aube de la nouvelle année, le jeune planteur a mûrement réfléchi sa stratégie : devait-il opter pour des graines enrobées ou non ? Jusqu’au dernier moment, il espérait que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) donne un avis favorable sur les propositions de la profession agricole pour alléger les fortes restrictions imposées par l’arrêté ministériel sur les cultures suivantes. Il était prêt à semer une bande de 18 rangées de betteraves non traitées autour de sa parcelle et à implanter des cultures mellifères sur son exploitation. Peine perdue ! Au moment de passer commande, l’avis n’était toujours pas publié…

« Au départ, j’étais décidé à utiliser 100 % de semences NNI. Mais l’interdiction d’implanter du maïs en année N + 1 m’a fait changer d’avis. Dans le Ried, on ne peut pas faire un blé après betterave, on sème déjà du blé l’année précédente pour favoriser la préparation du sol. Le blé n’est pas aussi rentable économiquement, je n’arrive pas à le valoriser aussi bien que le maïs ». L’implantation d’une culture d’hiver, explique l’agriculteur, est délicate dans le Ried, une plaine alluviale aux sols très hétérogènes (limons, sables, gravier), où la nappe phréatique affleure à la surface du sol et où les remontées d’eau en fin d’hiver sont fréquentes… De plus, « l’irrigation est moins bien valorisée sur les céréales à paille que sur le maïs ou la betterave à sucre. D’où le choix de ne pas utiliser de semences enrobées pour avoir les coudées franches en 2022 ».

Un devoir de vigilance

« Je compte beaucoup sur les conseils des techniciens de la sucrerie et sur le progrès génétique pour m’en sortir ». explique Bruno Barthelmebs. « Des variétés plus résistantes à la jaunisse virale font déjà leur apparition ». Il en est conscient, il devra accroître la surveillance de ses parcelles et intervenir dès que le premier puceron pointera son nez. « Il y a beaucoup de travail au printemps, je cours souvent après le temps ».

Dès l’interdiction des néonicotinoïdes, en 2019, Bruno Barthelmebs a commencé à voir apparaître des pucerons, et il a dû intervenir. « L’an dernier, le contexte a été particulièrement favorable à leur développement, car il n’y a pas eu d’hiver, et avec les levées échelonnées, les pucerons avaient toujours quelque chose à manger. Mais comme il y avait beaucoup de coccinelles, je pensais que cela allait passer. Quand je suis intervenu, c’était trop tard, le virus s’était déjà propagé dans toute la parcelle ».

De bonnes conditions hivernales

Cette année, les conditions climatiques sont meilleures que l’an dernier, estime l’agriculteur. « Nous avons eu de bonnes conditions hivernales. J’espère que la pression du puceron sera moindre… Et je suis prévenu : je traiterai dès l’apparition du premier puceron, ce que j’essaie toujours d’éviter. Je n’aurai pas le choix, de toute façon ».

Les semis ont été réalisés le 26 mars, mais les gelées de début avril ont causé des pertes qu’il était difficile de quantifier mi-avril. Certaines parcelles devront sans doute être ressemées.

En dix ans, Bruno Barthelmebs a pris de plein fouet la cercosporiose, puis la jaunisse. « On est en droit de se poser des questions : est-il judicieux de maintenir la betterave, ou pas ? Mais c’est une culture importante sur l’exploitation. Si demain, la Pac change et qu’il faut instaurer une rotation culturale, je serai content de l’avoir gardée ».