Penser et agir différemment pour renouer avec la réussite, tel est l’objectif, en Champagne crayeuse, du plan d’action lancé par le collectif OSER, Opportunité et stratégie pour des exploitations résilientes (1). Ce plan vise les agriculteurs à la tête d’exploitations les moins performantes, qui dégagent un excédent brut d’exploitation (EBE) par unité de travail inférieur de 50 000 € à 60 000 € à leurs collègues premiers de cordée, quelle que soit la conjoncture économique des marchés agricoles.

Pour lancer ce plan, les conseillers des centres de gestion et des chambres d’agriculture mobilisés du collectif d’OSER orienteront ces agriculteurs enlisés dans leurs difficultés vers les personnes et les organismes compétents. Ils redéfiniront avec eux la conduite de leur exploitation. Et les solutions prodiguées s’inspireront, ni plus ni moins, des stratégies adoptées par les chefs d’exploitation qui affichent, en toutes circonstances, des comptes de résultat nettement bénéficiaires.

Pour isoler ces stratégies, 89 exploitations ont été auditées par le collectif OSER. Celles-ci ont été auparavant divisées en cinq quintiles, en fonction du montant de leur EBE par unité de travailleur humain (UTH) : de Q1 les plus performants à Q5, ceux qui obtiennent les EBE les plus faibles).
En 2019, l’EBE moyen des exploitations du premier quintile (Q1) était de 42 700 €/UTH, celui du dernier quintile (Q5) de – 11 500 €/UTH tandis que l’EBE des 89 exploitations s’établissait, en moyenne, à 21 600 €/UTH.

Assumer sa prise de risque

Parmi les agriculteurs Q1, un tiers mise sur des rendements et un chiffre d’affaires élevés par hectare (avec un produit de 1 640 €/ha) pour dégager un disponible de 61 900 €/UTH. Comme le montre le tableau ci-contre, à EBE équivalent, un autre tiers privilégie la maîtrise de leurs charges d’intrants (496 €/ha) et le dernier tiers a les plus faibles charges de mécanisation (420 €/ha), tout comme les annuités (235 €/ha).

La proportion de surfaces en betteraves sucrières est, quoi qu’il en soit, un critère de réussite déterminant : 18 % de la surface agricole utile (SAU) pour les exploitations Q1, soit les exploitations les plus performantes et 8 % pour les exploitations Q5.
Pour dégager un chiffre d’affaires important (plus de 1 500 €/ha), les agriculteurs Q1 vendent 58 % de leurs récoltes de céréales au cours du jour tandis que ceux du dernier quintile (Q5) commercialisent la moitié de leur récolte au cours moyen ou en adoptant une stratégie mixte pour limiter la prise de risque.

Mais les premiers (Q1) reconnaissent passer du temps pour s’informer et se former afin de bien commercialiser leurs céréales. Les autres (Q5) font davantage confiance dans leur organisme stockeur.
Pour renouveler leur parc matériel, les agriculteurs Q1 ont les moyens financiers de saisir les opportunités qui se présentent en privilégiant l’achat de matériels neufs. Ils planifient leurs investissements en matériels et se donnent des objectifs d’investissements par hectare. Chaque achat se doit d’être rentable. Les agriculteurs Q1 ne se focalisent pas sur l’état de leurs matériels pour les renouveler.

A contrario, les agriculteurs Q5 n’ont pas d’autre choix que de se rabattre sur des machines d’occasion avec le risque de rencontrer davantage d’avatars.

Garder la maîtrise de la conduite de ses cultures

Dans les champs, les agriculteurs Q1 sont des agronomes dans l’âme. Diversifier leurs cultures est une priorité alors que le sol crayeux se prête très bien à des rotations longues. En revanche, ceux du dernier quintile ont simplifié à l’extrême leur assolement, ce qui accroît les risques sanitaires et de baisse de rendement.

Les agriculteurs Q1 adaptent leurs itinéraires techniques aux conditions environnementales du moment. La pratique du “non labour“ ou du “tout labour“ n’est pas systématique. Ils ont aussi moins recours à des prestations de services pour réaliser des travaux pour récoltes (blé, colza) qui ne demandent pas de matériels spécifiques. Dans l’ensemble, les agriculteurs Q1 veulent garder la maîtrise de la conduite de leurs cultures en faisant eux-mêmes la plupart de leurs travaux.

Le retour d’une conjoncture de prix élevés bénéficiera à tous les agriculteurs champenois mais elle ne réduira pas les écarts d’EBE entre les agriculteurs des quintiles Q1 et Q5. Les problèmes auxquels ces derniers font face sont structurels.

(1) Crédit Agricole, les Chambres d’agriculture, les centres de gestion et Groupama.