Depuis 20 ans, le groupement d’intérêt économique (GIE) des Beaux Jours vise la performance et le respect de l’environnement. Regroupant trois associés sur 417 hectares, avec deux salariés, l’exploitation située à Marcelcave en plein Santerre cultive avant tout des racines : 92 ha de pommes de terre de consommation, 30 d’endives et 42 de betteraves. Elle s’est diversifiée avec le colza, la lentille, le lin… Et des éléments paysagers.

Les 12 km de haies – visibles de l’autoroute A29 entre Amiens et Saint-Quentin – ont plusieurs fonctions environnementales. « Nous les avons plantées après le remembrement en 2002. Outre la biodiversité, elles assurent la régularité de l’irrigation des pommes de terre », explique Jean-Philippe Jeanson, l’un des trois associés. Distantes de 150 mètres et larges de 3, elles permettent deux passages de canon d’irrigation ou de quatre passages de pulvérisateurs de 38 mètres avec des parcelles de huit hectares.

Une régulation naturelle efficace mais pas suffisante

Autre gain, l’augmentation de coccinelles et de syrphes. « Je suis souvent surpris par la régulation naturelle, notamment sur les pucerons en pommes de terre », constate l’agriculteur. Avant de traiter les insectes, il attend trois jours et observe l’évolution, sans jamais effectuer de traitement par sécurité. Pour les doryphores, il limite si possible le traitement à la fourrière.

« La régulation naturelle ne fonctionne pas toujours, avoue-t-il. Parfois, nous prenons des risques et avons des dégâts ». Comme avec les altises du colza. Ou, comme en 2020, face à la forte pression de jaunisse sur les betteraves. Le planteur a dû traiter les pucerons avec un rendement final de 76 t/ha (moyenne usine 67 t/ha). Un résultat décevant que le premier arrachage de cette campagne tempère (95 t/ha au 9 octobre).

Globalement, les associés diminuent la dose de fongicides à 70 % de la dose homologuée en l’appliquant en bonnes conditions : vent, hygrométrie. Pour intervenir au bon moment, le GIE dispose de deux pulvérisateurs. Côté désherbant, l’agriculteur couple observation de la flore et météo, avec plus de produits racinaires en condition humide par exemple. De plus, il réalise un binage mécanique sur les betteraves.

En fin de compte, l’exploitation est dans le groupe de tête des « comparaisons systèmes » du centre de gestion. Avec des charges phytosanitaires inférieures d’au moins 30 %, voire plus. (En 2017, 396 € de phytosanitaires pommes de terre pour le GIE, contre 660 € pour le groupe. En betterave, respectivement 116 €/ha, contre 290 €/ha).

Pour s’améliorer, Jean-Philippe participe à plusieurs groupes de progrès, comme Terr’avenir, le groupe Dephy légume. Dernièrement, il a testé le tubercule électronique avec le Groupement d’intérêt technique et économique de la pomme de terre (Gitep) afin d’étudier l’impact des chocs sur les pommes de terre lors de leur récolte. Se confronter fait avancer, reconnaît le chef d’entreprise. Volontaire pour la HVE 3, le GIE a été l’une des premières exploitations productrices de pommes de terre à recevoir la labellisation en 2019. « Nous avons été éligibles sans rien modifier. Contrairement aux volets fertilisation, irrigation et biodiversité, le volet phytosanitaire a obtenu de justesse ses 10 points ».

Ferme pilote du PNRI

Enfin, en 2021, l’exploitation est devenue l’une des 54 fermes pilotes du PNRI. Vu le contexte parcellaire favorable aux auxiliaires, l’ITB va suivre l’évolution de la jaunisse sans traitement aux néonicotinoïdes. Depuis cinq ans, Jean-Philippe n’utilisait déjà plus les semences traitées aux néonicotinoïdes que deux rangs sur trois, en alternant une semence standard entre deux rangs traités aux néonicotinoïdes dans son semoir. Soit huit rangs traités aux néonicotinoïdes sur 12. Sans jamais constater de différence. Dans l’essai 2021, l’ITB a estimé que dans la parcelle témoin non traitée, la jaunisse dépasse les 10 %. Ce qui, vu la faible pression jaunisse, demeure important. « Cela augure des années difficiles en cas de forte pression » alarme le chef d’entreprise chercheur de solutions performantes.

Des ferments pour améliorer la vie microbienne

Aller plus loin dans la baisse des intrants sans obérer la productivité paraît compliqué. Le GIE essaie des produits pour améliorer la santé des plantes, comme des oligo-éléments. Autre pratique, l’ajout de ferments appliqués au sol. Ceux-ci sont mis en culture quinze jours dans un vieux tank à lait isolé à 35 °C. Stockés en cuve de 1 000 litres, ils sont pulvérisés entre 80 et 100 l/ha au moment de destruction des engrais verts, afin d’améliorer la vie microbienne. Lorsque le ferment est apporté sur le couvert, il permet de passer les sucres présents en acide lactique puis en d’autres substances stables (protéines..) et limite la minéralisation. De plus, Jean-Philippe Jeanson privilégie les apports organiques pour la fertilisation de fond (fumier de champignons, soluble de pommes de terre et vinasse) et limite les labours (20 ha labourés cette année avant pommes de terre). Autant de techniques qui visent à maintenir le taux de matière organique du sol à 1,8 %.