Si les équilibres mondiaux du sucre ne semblent pas devoir être impactés à court terme par la crise en Ukraine, à l’inverse de la situation en céréales, ce n’est pas pour autant que le sucre passe au travers de la hausse généralisée des matières premières agricoles. Après quelques jours d’hésitation, la tendance est désormais fortement haussière, portée par des spéculateurs qui augmentent nettement leurs positions à l’achat (+ 28 % sur la semaine). Le sucre blanc est désormais au-dessus de 530 $/t sur l’échéance proche (mai 2022) : c’est un nouveau record depuis 5 ans.

Il faut dire que l’envolée des céréales et du pétrole ne peut pas laisser le sucre indifférent. Car l’explosion des coûts de production du sucre, partout dans le monde, risque d’être sans précédent. D’une part, les engrais, dont les prix atteignaient déjà des records, pourraient ne pas être accessibles, et pas seulement en Europe : le Brésil, premier pays producteur de sucre dans le monde, est ultra-dépendant de l’origine russe. D’autre part, évidemment, les prix de l’énergie auront un impact conséquent. Le baril de Brent ne cesse de battre des records, ce qui impactera les coûts de production agricoles (via le fioul) et industriels (pour le secteur betteravier, par les répercussions via le gaz et le charbon) à un niveau sans précédent.

Le bon côté est que cela devrait profiter au débouché éthanol : c’est déjà le cas en Europe, ou il dépasse les 100 €/hl jusqu’aux échéances de cet été. Pour l’instant, il reste relativement calme aux USA et Brésil. Mais, dans un cas comme dans l’autre, le prix de l’éthanol est lié à celui du maïs : aux USA, l’éthanol provient exclusivement du maïs et, au Brésil, la part issue du maïs est en constante progression et atteint désormais 12 %. Le renchérissement de la valeur du maïs pourrait donc changer la donne, à la veille de l’ouverture de la campagne brésilienne, en avril prochain.

Couplé à la hausse du fret (+50 % en février !), importer du sucre en Europe, dans notre contexte déficitaire, coûtera donc de plus en plus cher aux intervenants qui ne sont pas encore couverts pour leurs achats. Alors que la baisse des surfaces betteravières est annoncée autour de -1 à -2 %, le spot continue sur sa lancée, et dépasse les 615 €/t sortie sucrerie partout en Europe – soit plus de 200 €/t de différence avec les contrats livrés en décembre dernier, à 411 €/t, sortie usine française ! Alors que les cultures alternatives atteignent des sommets et que les coûts industriels risquent d’exploser, il est impératif, pour la pérennité de la filière, qu’un rééquilibrage rapide soit à l’œuvre pour que la betterave conserve une attractivité dans l’assolement !