Guillaume Vanthuyne a été élu président de la caisse d’Île-de-France, le 31 mars dernier, et Patrice Grégoire, le 30 mars 2021 à la tête de la caisse de Brie Picardie. Tous deux planteurs de betteraves, ils font le point sur les priorités de la banque verte et la santé économique de l’agriculture des régions d’Île-de-France.

Vous êtes tous les deux présidents d’une caisse régionale du Crédit Agricole. Quelle est votre stratégie de développement ?

Guillaume Vanthuyne : avec le directeur général, Olivier Gavalda, et le conseil d’administration de la CADIF, nous voulons rester une banque coopérative universelle qui s’inscrit comme un partenaire de long terme. Le Crédit Agricole accompagne ses clients à chaque étape de la vie, favorable ou difficile : première voiture, premier logement, installation, retraite, succession… Nous continuons à être des acteurs majeurs de l’agriculture en finançant les transitions énergétiques, les enjeux de biodiversité et le renouvellement des générations.

Patrice Grégoire : nous accompagnons aussi l’économie au travers des entreprises de nos territoires, car nous ne pouvons pas nous développer dans d’autres régions. Nous n’avons pas d’autres choix que de dynamiser notre territoire !

Quel est le poids du secteur agricole et des industries agroalimentaires dans vos caisses régionales respectives ?

PG : L’agriculture, c’est 2,2 % des clients du Crédit Agricole Brie Picardie et 580 M€ de réalisation de crédit sur 5,7 Md€ pour l’ensemble de la caisse. C’est marginal, mais nous sommes fiers de nos origines. Nous accompagnons des diversifications, des ateliers de découpe, des producteurs de fruits rouges qui se développent. Nous avons aussi des apiculteurs ou des tenants de l’agriculture périurbaine, que nous avons d’ailleurs du mal à capter, car ces projets passent par des réseaux de financement alternatifs.

GV : en Île-de-France, nous comptons 3 800 clients agriculteurs avec 500 M€ d’encours, qui représentent 1 % des encours de crédit pour CADIF. Nous finançons 8 agriculteurs franciliens sur 10. Même si nous sommes la caisse régionale la plus urbaine, il est fondamental de continuer à accompagner le développement de l’agriculture. Nous finançons tout type d’agriculture, bio et conventionnelle, mais il faut être rentable. Le deuxième axe est l’industrie agroalimentaire. Nous accompagnons des PME familiales de Rungis ou de grands acteurs nationaux de l’agroalimentaire.

PG : en Seine-et-Marne, nous accompagnons sept coopératives, une sucrerie familiale et Tereos à Moussy-le-Vieux.

GV : tous les groupes sucriers ont une zone d’approvisionnement en Île-de-France, au sein des deux caisses régionales. Nos clients agriculteurs livrent chez Tereos, Cristal Union et Saint Louis. Nous sommes très présents sur le secteur du sucre.

PG : nous avons également un service d’expert sur la méthanisation. La caisse de Brie Picardie a financé et accompagné 21 unités en Seine-et-Marne, des dossiers entre 5 et 8 M€.

La méthanisation est-elle une activité risquée pour un banquier ?

PG : il y a un risque d’approvisionnement et un risque humain. La méthanisation, ce n’est pas un métier d’agriculteur mais d’industriel. Ceux qui se lancent sont vraiment des pros ; nous avons zéro défaut aujourd’hui.

Le prix des intrants explose et les cours sont très volatils. Comment accompagnez-vous le monde agricole ?

PG : les besoins de trésorerie des exploitations vont s’accroître dans les mois à venir. Une récente étude de nos services montre une hausse des intrants d’environ 600 €/ha en grandes cultures. Avec la hausse des cours des céréales, qui sont passés de 150 à 350 €, les appels de marge des coopératives (pour ne pas déboucler leurs positions) représentent aujourd’hui des dizaines de millions d’euros. Nous n’avons pas de garanties sur ces sommes-là, le Crédit Agricole fait donc confiance aux coopératives en attendant qu’elles récupèrent les sommes quand les céréales seront vendues sur le marché physique.

GV : cet exemple montre combien il est important d’avoir une banque au service du monde agricole !

Comment jugez-vous la santé financière des exploitations, et plus particulièrement des betteraviers ?

GV : le sucre blanc vit des années noires depuis 2017. La fin des quotas a été redoutable pour les trésoreries des exploitations. Toutes les autres caisses régionales concernées par le secteur betteravier (Nord-de-France, Nord-Est, Champagne-Bourgogne, Normandie-Seine, Centre-Loire et Alsace-Vosges) le constatent également. Aujourd’hui, l’impact de la jaunisse est encore très présent dans les comptes des betteraviers. C’est un secteur malmené auquel nous restons viscéralement attachés, et qui offre à la France bien des atouts.

Quels sont les avantages d’être une banque coopérative ?

GV : le Crédit Agricole est la plus grande coopérative du monde, avec 11 millions de sociétaires. Elle est fondée sur le principe de la démocratie et elle conserve 95 % des résultats en fonds propre, ce qui lui permet de générer davantage de crédit pour financer le développement du territoire. La caisse régionale d’Île-de-France est la plus urbaine, mais nous avons 9 agriculteurs sur les 14 administrateurs. Nous affichons une volonté assumée d’avoir une empreinte agricole majoritaire !

Que va changer la réforme de l’assurance récolte pour Pacifica ?

PG : chaque agriculteur devra être assuré pour pouvoir toucher les aides de l’État en cas de catastrophe climatique élevé. Le tarif des assurances récoltes sera le même chez tous les assureurs, car la cotisation est encadrée. La différence se fera au niveau du choix des options. Au Crédit Agricole, nous avons une approche bancaire de l’assurance récolte, car nous connaissons le niveau d’épargne de précaution et la capacité de résilience de nos clients. Nous pouvons donc apporter des conseils plus pointus qu’aucun autre assureur.