Les assolements de 2022-2023 sont en partie décidés. Mais la campagne 2023 de pommes de terre se joue maintenant, en fonction de la tournure que prendra la reprise des prochaines négociations entre les industriels et la grande distribution, mais aussi entre les planteurs de pommes de terre et ces mêmes industriels. Les coûts de production s’emballent à tous les niveaux de la filière.

« Plusieurs facteurs pourraient rendre la culture de pommes de terre moins intéressante. Sur les marchés des céréales, les prix élevés pourraient inciter les planteurs de pommes de terre à préférer les productions de grains à celle des pommes de terre, encore plus onéreuses à implanter que les années précédentes », déplore Bertrand Ouillon, délégué général au Groupement interprofessionnel de la valorisation de la pomme de terre (GIPT).

Par ailleurs, la hausse des prix et l’éventuelle pénurie de certains engrais pourraient aussi avoir un impact négatif sur des cultures exigeantes comme la pomme de terre. L’entrée en application de la nouvelle PAC, avec la mise en œuvre des écorégimes, risque également de modifier l’assolement en allongeant les rotations.

Difficile de trouver des parcelles

« Enfin, il devient de plus en plus difficile de trouver des parcelles mises à disposition par un tiers le temps d’une campagne pour planter des pommes de terre, souligne Bertrand Ouillon. Le cadre légal encadre les échanges mais ne permet pas la sous-location, susceptible d’entraîner des ruptures de bail ».

En allant chercher des parcelles à l’extérieur de l’exploitation, l’objectif recherché est de respecter le cycle de rotations des cultures. Il s’agit en l’occurrence de ne planter des pommes de terre que tous les 4-5 ans afin d’éviter les maladies et les ravageurs, comme par exemple les nématodes.

« Pour toutes ces raisons, les industriels de la transformation risquent d’être rapidement à la recherche de signatures de contrats pour 2023, souligne Bertrand Ouillon. Ils redoutent que les planteurs diminuent la surface de leur exploitation dédiée aux pommes de terre, alors que leur propre demande reste forte ».

Cette stratégie menacerait à terme leur approvisionnement et la bonne marche de leur outil industriel.

Les négociations ont repris en juillet

Les négociations commerciales entre les industriels et la grande distribution ont repris au début du mois de juillet pour intégrer une partie des nouvelles hausses de prix auxquelles sont confrontés les industriels.

« L’entrée en application de la loi Egalim est un bon support pour relancer ces négociations commerciales, affirme le délégué du GIPT. Le retour de l’inflation oblige d’actualiser les prix négociés. Pour autant, il ne s’agit pas non plus de rendre les produits alimentaires inabordables. Cela pourrait conduire le consommateur à acheter d’autres produits ».

Les parties ont convenu que les négociations qui se sont achevées au mois de février dernier, et qui devraient être appliquées ce mois de septembre, n’ont pas intégré la nouvelle salve d’augmentation des matières premières agricoles et autres commodités observées depuis le début du conflit armé entre l’Ukraine et la Russie.

« La grande distribution a compris qu’elle n’avait pas le choix de renégocier les prix des produits qu’elle commercialise, rapporte Bertrand Ouillon. Elle ne veut pas être confrontée à une pénurie d’approvisionnement au cours de la campagne de commercialisation, ni à des arrêts de production ou à des ruptures de stocks ».

Les accords qui découleront de ces négociations conditionneront en partie l’attitude des planteurs pour la campagne de pommes de terre 2023. L’hiver dernier, certaines entreprises avaient anticipé un retour sur la table des négociations anticipé, en annexant à leurs contrats conclus en février dernier des clauses de révision. Alors que la récolte de pommes de terre débute, les nouvelles négociations pourraient s’appuyer sur un nouvel indicateur trimestriel de leurs coûts de production en cours d’élaboration sur la base des indices Ipampa existants.

« Jusque-là, cet indicateur était annuel et toujours décalé de quelques mois, le temps nécessaire pour le calculer, explique Bertrand Ouillon. En période d’inflation des prix d’intrants, cet indicateur annuel paraît dépassé, ne donnant aucune indication sur la conjoncture la plus récente ».

Le nouvel indicateur du GIPT, trimestriel, reflètera davantage, en temps réel, l’évolution des coûts de production des pommes de terre face à laquelle sont confrontés les producteurs depuis la clôture des négociations commerciales au mois de février dernier. Il sera utilisé pour reprendre les prochaines négociations commerciales en février prochain et pour accorder les augmentations de prix nécessaires afin que les planteurs préservent leurs marges.