Il y a un risque de rupture d’intrants agricoles essentiels, alerte la Coopération agricole, l’organisme qui fédère 2 200 entreprises coopératives assurant la transformation de 70 % de la production agricole française. Confrontées parfois à une baisse de la ressource en matière première agricole et surtout la flambée des prix de l’énergie, les coopératives s’inquiètent sur leur capacité à pouvoir produire.

La principale menace provient de l’arrêt de 50 % des capacités de production d’ammonitrates en Europe. L’inflation concerne aussi les matières premières pour l’emballage (+ 40 % pour les matières plastiques et le papier-carton) et les matières premières agricoles transformées (+ 40 à 50 % du prix du blé tendre, du maïs et du colza). Parallèlement, les coopératives doivent faire face au recul de certains volumes, comme pour la production laitière (- 4 %) ou la production de haricots verts en légume de plein champ, qui a été divisée par deux.

Un « mur infranchissable »

Mais le plus gros défi est sans doute la flambée des prix de l’énergie : « nous sommes face à un mur infranchissable, alerte Dominique Chargé. Entre 2021 et 2022, la hausse cumulée du prix du gaz est de 350 % et celle de l’électricité de 380 % ». Ce surcoût peut représenter trois à cinq fois le résultat net de certaines coopératives ! « Le risque est de ne pas pouvoir transformer les productions. Si on interrompt les chaînes, on aura du gaspillage de matière agricole », a pointé le président de la Coopération agricole, citant en exemple un tas de betterave qu’il faut absolument enlever pour le transformer en sucre.

Pour éviter ces arrêts de production, la Coopération agricole demande la reconnaissance des activités agricoles et agroalimentaires comme répondant à une mission d’intérêt général ; en clair que l’agroalimentaire soit préservé des éventuels délestages en cas de manque de gaz cet hiver.

Au niveau économique, la Coopération demande la révision des critères d’éligibilité – décidés au niveau européen – pour la prise en charge de la facture énergétique. Car si l’État a bien mobilisé 3 milliards d’euros, seuls 50 millions ont été dépensés. « La mesure n’est pas adaptée, car les critères 3 % de coût énergétique sur le chiffre d’affaires et l’Ebitda négatif sont inaccessibles. Une entreprise qui a un Ebitda négatif est déjà morte ».

Dominique Chargé demande également la mise en place d’un bouclier énergétique et la possibilité de répercuter le coût vers les clients des coopératives. Pour le président de la Coopération agricole, il est nécessaire de découpler l’indexation du prix du gaz et de l’électricité.

Un Pacte de souveraineté alimentaire

« Nous avons bâti nos chaînes d’approvisionnement sur la base d’un monde stable, avec des matières premières abondantes et des circuits fluides. Or nous avons basculé dans une instabilité géopolitique. C’est la fin de l’abondance et les probables pénuries nous imposent de changer de paradigme », a insisté Dominique Chargé. Fort de ce constat, « la Coopération agricole souhaite que puisse, en complément de la future loi sur l’orientation agricole, être conclu un Pacte de souveraineté entre les acteurs de la filière alimentaire, les pouvoirs publics et les consommateurs ». Un engagement qui doit permettre d’assurer le maintien d’une chaîne alimentaire française résiliente, pérenne et durable.