En cette période de conflit, l’Union européenne rassure. Elle est à l’écart du bassin de la Mer noire, l’épicentre géopolitique très instable des marchés mondiaux du blé et de l’orge. Souveraine sur son marché intérieur, l’UE contribuera à la sécurité alimentaire de la planète.

Cette année, l’UE produira 271 millions de tonnes (Mt) de céréales selon le Conseil international des céréales (CIC). Sa récolte sera certes inférieure de 21 Mt à celle de 2021, mais l’UE reste exportatrice nette de 23 Mt.

Les vingt-sept pays membres exporteront des céréales vers des pays tiers contraints de diversifier leurs sources d’approvisionnement depuis que le trafic maritime sur la Mer noire n’est plus sécurisé. L’Égypte a importé près d’un million de tonnes de blé d’Union européenne depuis la fin du mois de juin, alors que le pays était absent du marché européen l’an passé.

Sur les 125 Mt de blé tendre produites dans l’UE, 93 Mt seront dédiées à l’alimentation humaine (41,4 Mt) et à la fabrication d’aliments pour animaux (37,3 Mt), selon la Commission européenne. Et sur les 50 Mt d’orges récoltées, 33 Mt seront transformées en aliments et 6,7 Mt en malt.

L’UE exporterait 51 Mt de grains (+ 6 Mt sur deux ans) durant la campagne 2022-2023. Elle vendrait notamment 36 Mt de blé (+4 Mt sur un an) et 10 Mt d’orges. Mais l’UE est importatrice nette de blé dur (1,4 Mt). Et compte tenu de la faiblesse de sa récolte de maïs (56 Mt ; -14 Mt), elle sera contrainte d’en importer 20,5 Mt (+ 6 Mt sur deux ans). Toutefois, elle en exportera 3,7 Mt à partir de la Roumanie et de la Bulgarie.

Parmi les vingt-sept, la France est probablement le pays le mieux loti. Excédentaire en blé tendre, en blé dur, en orge et en maïs, notre pays jouera un rôle majeur pour assurer la sécurité alimentaire de ses voisins européens et méditerranéens. Sur les 31,4 Mt de blé produites, 7 Mt seront exportées au sein de l’UE et 10 Mt vers le Maghreb notamment.
Sur les 10,8 Mt d’orges produites dans l’hexagone, 7 Mt seront exportées, dont 2,8 Mt vers des pays tiers et 1,4 Mt sous forme de malt.

La récolte de maïs (11,6 Mt ; -4,7 Mt sur 1 an – source Agreste), la plus faible depuis 1990, est suffisante pour couvrir les besoins de l’industrie de l’alimentation animale et de l’amidonnerie. Mais peu de maïs sera vendu à l’export. Les 4,7 Mt de maïs récoltées en moins cette année sont autant de millions de tonnes qui ne pourront pas être exportées au sein de l’UE. Quant au blé dur, notre pays atténuera aussi le déficit de ses voisins européens en leur expédiant jusqu’à 770 000 t de grains auxquels s’ajouteront 110 000 t hors de l’UE.

Maillons faibles

À l’échelle de la planète, l’UE et les États-Unis semblent être les maillons faibles des marchés des céréales. Selon le dernier rapport du Conseil international des céréales, la production mondiale de grains (2 256 Mt ; – 45 Mt sur un an) est non seulement déficitaire de 18 Mt mais elle est surtout déséquilibrée en quantité et en disponibilités. Par rapport à l’an passé, elle est inférieure de près de 50 Mt dans l’UE et aux États-Unis, mais supérieure de 23 Mt en Russie.

Chaque semaine se pose la question de savoir dans quelles conditions le grain sera expédié depuis les ports de la Mer Noire. La Russie peine à exporter ses 46 Mt de céréales (+ 6 Mt sur un an). Elle pourrait inonder les marchés en seconde partie de campagne.

Même l’Ukraine participe à ce déséquilibre commercial, malgré elle. Alors que ses capacités de production sont en partie paralysées, le pays produirait 59 Mt de grains selon le CIC, soit 5 Mt de plus qu’estimé en août dernier. Il serait en mesure d’en exporter 32 Mt durant la campagne. Mais le pourra-t-il seulement ? En attendant, les Ukrainiens sont mal approvisionnés. Et dans les territoires justes reconquis par l’armée, ils ont faim.