Le prix seuil de 300 € la tonne de blé a été allègrement franchi sur le marché de Rouen la semaine dernière (306 € le 25 novembre). Mais le repli de l’euro, par rapport au dollar, au cours des trois dernières semaines, représente à lui seul un gain de 10 € par tonne.

Depuis, le cours du blé s’est rétracté (295 € le 30 novembre). La résurgence de l’épidémie mondiale de la Covid fait craindre une nouvelle récession de l’économie planétaire. Par ailleurs, le département australien de l’Agriculture a annoncé une nouvelle production record de blé (34 Mt) après celle de 2020, déjà record, de 33 Mt. La seconde partie de la campagne de commercialisation de blé sera ainsi un peu moins tendue qu’escomptée, même si la céréale reste très convoitée par les pays importateurs d’Océanie. Mais la semaine dernière, la faible qualité de la récolte avait déçu les opérateurs. À Rouen, le cours du blé avait alors gagné quelques euros.

Pour cette campagne, 420 Mt de grains seront exportées dans le monde selon le Conseil international des céréales (CIC). Très compétitive, l’Union européenne en vendra à elle seule 51 Mt, soit un huitième. Elle se hisse ainsi au quatrième rang des pays exportateurs de céréales au monde.

Durant les trois premiers mois de la campagne, 14,4 Mt de grains ont déjà été expédiées vers les pays tiers, selon la Commission européenne, dont 9,3 Mt de blé et 4 Mt d’orges.

D’ici la fin du mois de juin 2022, l’UE en expédierait 34 à 35 Mt. Et FranceAgriMer s’attend à ce que notre pays exporte à lui seul 9,4 Mt. Mais à la fin du mois de septembre, seules 1,8 Mt ont été expédiées alors que la Roumanie en a écoulé 3 Mt.
Sur l’ensemble de la campagne, l’UE exporterait 12,7 Mt d’orges, selon le CIC dont 3,2 Mt depuis la France. Au cours des trois premiers mois de la campagne, la France (1,6 Mt) est en tête des partenaires européens.

Cette campagne, la Chine joue les trouble-fête en rendant l’offre mondiale de blé déficitaire. Elle va en importer 10 à 11 Mt pour maintenir ses stocks pléthoriques (128 Mt) à niveau. Ces derniers équivaudront de nouveau à 10 ou 11 mois de sa consommation intérieure. Dans le même temps, les pays exportateurs vendront tant de blé qu’ils achèveront leur campagne avec des stocks reports très faibles (53 Mt), en retrait de 7 Mt sur un an.

La production de blé dur structurellement déficitaire

Le marché du blé dur est devenu structurellement déficitaire alors qu’aucune céréale ne peut réellement se substituer à cette céréale.

Sur le marché de la Palice, la tonne vaut 455 € depuis plusieurs jours, soit 180 € de plus qu’au mois de novembre 2020. Le prix n’a jamais été aussi élevé depuis quatorze ans. Il a bien plus progressé que celui du blé tendre.

La production mondiale (31 Mt), la plus faible depuis 20 ans, ne couvre pas les besoins (33 Mt), pourtant eux aussi en repli. Mais cette année, la France (1,59 Mt) et le Maroc (2,5 Mt), deux pays à la fois producteurs et consommateurs, s’en sortent plutôt bien.

En ayant semé 40 000 ha de plus en 2020 que l’année précédente, les céréaliers français profitent pleinement de cette conjoncture de prix.

Mais les pays importateurs nord-africains paient très cher les quantités de blé dur qu’ils sont obligés d’acheter, faute de denrées disponibles suffisantes. Le Canada ne pourra exporter que 3,1 Mt de grains, soit 46 % de moins que la campagne passée. Sa production n’excède pas 3,5 Mt, soit 3,1 Mt de moins qu’en 2020.

Seules 6,2 Mt de blé dur seront exportées dans le monde, soit 23 % de moins qu’en 2020-2021. La France en expédierait elle seule 1,05 Mt (+ 230 000 t sur un an).

La campagne s’achèvera avec des stocks mondiaux au plus bas depuis 14 ans, souligne le CIC. Et il faudra attendre de longs mois pour espérer une détente sur les prix.