Selon le Conseil international des céréales (CIC), 150 millions de tonnes (Mt) d’orges seraient produites dans le monde au cours de la campagne 2022-2023. À ce jour, 132 Mt ont déjà été récoltées dans l’hémisphère nord.

À Rouen, la tonne d’orges vaut environ 310 € depuis deux semaines, soit 40 € de moins que la tonne de blé ou de maïs (1).

Ces derniers mois, l’orge est une alternative à ces deux céréales dans les pays où elle est habituellement utilisée (Union européenne, Russie, Canada, Ukraine) par les industriels de l’alimentation animale.

En fait, le marché de l’orge est moins affecté par le conflit en Ukraine et par la crise climatique de l’été dernier, en Europe, que celui du blé et du maïs.

Dans le monde, l’industrie de l’alimentation animale consommerait 104,5 Mt d’orges, soit 3 Mt de plus qu’estimé le mois passé. Dans l’Union européenne, où les deux tiers de l’orge récoltée (51Mt) sont utilisés pour fabriquer des aliments, la consommation croît de 10 % en deux ans. A contrario, moins de maïs entre dans la formulation des aliments.
À l’échelle mondiale, la tendance observée est similaire : 20 Mt de maïs en moins seraient utilisées par les fabricants d’aliments que l’an passé, alors qu’autant de blé serait consommé (148 Mt).

Le maïs est victime de son prix et du repli attendu des activités d’élevage. La cherté de la viande dissuade une partie des consommateurs de la planète d’en acheter.

En France, la production d’aliments (8,05 Mt –sources FranceAgriMer) baissera de 0,5 Mt par rapport à l’an passé. Mais comme les industriels ajustent leur formulation au gré des cours des différentes céréales susceptibles d’entrer dans leur composition, 4,4 Mt de blé et 1,3 Mt d’orge seraient ainsi transformées durant la campagne 2022-2023, soit 600 000 t de plus qu’escompté le mois passé, selon FranceAgriMer. A contrario, seuls 2,3 Mt de maïs seraient utilisées (- 0,6 Mt sur un an).

Le démon de l’abondance

Au cours des prochaines semaines, faut-il craindre une nouvelle flambée des cours des céréales ou leur baisse au-dessous de leurs coûts de production ?

Hormis la survenue d’un nouvel accident climatique, l’évolution des cours du blé dépend, à court terme, en Ukraine, de la poursuite des expéditions de grains actuellement permises par l’accord sur le corridor céréalier sur la mer Noire jusqu’au mois de novembre et ,en Russie, du bon déroulement de la campagne de commercialisation de céréales.

Or, le pays est frappé par le démon de l’abondance. En ayant produit 94 Mt de blé (voire 100 Mt selon certaines sources) et 21 Mt d’orges, la Russie doit exporter 46 Mt de grains d’ici la fin de la campagne. Mais ses expéditions ont diminué d’un quart en volume ces deux derniers mois. Le trafic maritime est risqué et les céréaliers russes refusent de vendre leurs récoltes à pertes. Les prix de sortie ferme proposés sont inférieurs d’au moins un tiers à leur niveau de l’an passé. Or, la conjoncture ne s’améliorera pas de sitôt, surtout si les taxes à l’exportation imposées par le Kremlin sont maintenues, alors que le rouble est au plus haut.

UkrainAgroconsultant, l’expert ukrainien des marchés des grains, se réjouit que le corridor maritime sur la mer Noire fonctionne bien. Selon le centre de coordination conjoint en place depuis l’ouverture du corridor, sous l’égide des Nations unies, 3 Mt de produits agricoles ont été expédiées mi-septembre des ports ukrainiens. L’objectif de 5 Mt par mois de marchandise devient plausible.

Mais les capacités de stockage de céréales du pays n’excèdent pas 15 Mt, alors qu’il serait nécessaire de les porter à 30 Mt pour ne pas perdre de grains. Dans l’urgence, les big-bags récemment importés permettent de stocker 6 Mt de grains en plus. Mais il en faudrait trois fois plus !

Note : écrit le 12 octobre 2022.