Le chanvre est une plante qui se récolte à partir de fin août, début septembre. Toutes les parties de la plante peuvent être valorisées. La fibre permet de produire de la laine isolante ou du textile. La graine répond aux besoins des consommateurs qui recherchent des protéines végétales. La chènevotte, partie ligneuse du chanvre séparée après teillage de la fibre, est utilisée sur le marché de la construction, notamment pour fabriquer le béton de chanvre.

15 t/ha de CO2

La culture présente de nombreux atouts, notamment sur le volet environnemental. Elle se cultive sans phyto, sans irrigation et avec peu d’engrais. Le chanvre offre un très bon précédent dans une rotation, dans laquelle il ne doit cependant pas revenir. Par ailleurs, « un hectare de chanvre permet de capter 15 tonnes de CO2 par an », fait remarquer Joël Lagneau d’Interchanvre, l’interprofession de cette culture. « Dans les usages industriels et techniques, le CO2 est stocké dans la fibre et dans la chènevotte, de façon pérenne. On crée des puits de carbone », a déclaré Franck Barbier, agriculteur et président de l’interprofession lors de la table ronde organisée par l’association française des journalistes agricoles (Afja), le 17 novembre dernier. Les rendements moyens sont d’une tonne de graines (appelées chènevis) et de 7 tonnes de paille par hectare.

Campagne 2022

La sécheresse précoce de l’année 2022 a impacté les résultats de récolte et certaines parcelles ont subi des levées irrégulières au printemps dernier. Dans les secteurs ayant reçu des pluies fin juin et début juillet, comme la Champagne ou l’Île-de-France, les résultats ont été moins décevants qu’au sud de la Loire. « Le chanvre est une plante résiliente au climat », a reconnu Franck Barbier. « Dans l’ensemble, les plantes qui ont un enracinement profond sont restées vertes jusqu’au mois d’août. Par la suite, les températures élevées ont parfois diminué la formation des graines », a ajouté Joël Lagneau, qui travaille avec l’ensemble de la profession à une meilleure valorisation financière du chanvre français.

Par ailleurs, la culture du chanvre rentre dans la catégorie « autre culture » de l’écorégime « pratiques de gestion agroécologiques des surfaces agricoles » (appelé aussi « diversité ») de la nouvelle Politique agricole commune (PAC). À ce titre, elle permet d’obtenir de 1 à 5 points, suivant la surface cultivée, pour valider le niveau standard ou supérieur de la subvention écorégime. Elle donne aussi droit à une aide couplée de 98 €/ha. C’est un montant maximum car l’enveloppe de 1,6 million d’euros consacrée à cette culture doit être répartie entre toutes les surfaces. La recherche de débouchés à haute valeur ajoutée reste donc le nerf de la guerre.

La filière ambitionne de doubler ses surfaces d’ici cinq ans, et de les tripler en dix ans. Plusieurs chanvrières ont déjà décidé d’augmenter leur capacité. La Coopérative agricole Vendée approvisionnement céréales (CAVAC), en Vendée, prévoit un doublement de surfaces d’ici trois ans et Planète Chanvre en Seine-et-Marne souhaite également les multiplier par deux d’ici 2 ans. Dans la moitié sud de la France, quatre nouvelles chanvrières sont en phase de création. Côté textile, la Chanvrière, une coopérative spécialisée dans le chanvre et située dans l’Aube, se mobilise pour produire des fibres courtes, colonisées, sous la marque Canalia. Elle va garantir à ses clients un chanvre local, produit au maximum à 120 km de l’usine. Ce dernier recevra une certification RSE et le label Oeko-tex, (textile contrôlé​ vis-à-vis des substances nocives. La Chanvrière va aussi proposer des fibres longues pour fabriquer d’autres types de tissu 100 % chanvre.

La fibre de chanvre prometteuse en Normandie

Pour la filière textile, l’espoir repose sur l’essor de fibre de chanvre « cotonisé », qui permet de substituer le chanvre français au coton importé. « Le chanvre étant une plante vertueuse, il est important de recréer une filière française pour éviter que les fibres textiles fassent le tour du monde », précise Henri Pomikal, vice-président de la Linière de Caen, qui vient de se doter d’une nouvelle ligne capable de teiller le chanvre. Les rendements obtenus en Normandie sont équivalents à ceux du lin, ce qui est prometteur ». Après 70 ha de chanvre implantés en 2022, l’objectif de la coopérative est d’atteindre 250 à 300 ha en 2023. Il est vrai que les marques de vêtement s’intéressent de plus en plus au chanvre, à commencer par Levi’s, qui annonce la production d’un jean 100 % chanvre.

Le cannabis thérapeutique, un marché au stade expérimental

Le cannabis thérapeutique est utilisé de façon expérimentale depuis mars 2021, pour une durée de trois ans. L’usage a été prescrit pour 3 000 patients, dans les situations médicales suivantes : la sclérose en plaques, les douleurs neuropathiques, les personnes en soins palliatifs, certains symptômes en oncologie et certaines formes d’épilepsie. Cet usage est réservé à ceux qui n’ont pas accès à des traitements pouvant soulager leurs douleurs. « Ce n’est pas un essai clinique, c’est une expérimentation de politique publique », a précisé Hugues Péribère, président d’Overseed, un des premiers cultivateurs sous serre de cannabis thérapeutique en France, lors de la table ronde organisée par l’Afja. Les premiers retours sont positifs. Le cannabis thérapeutique est encore prohibé et uniquement prescrit dans le cadre de l’expérimentation. À l’issue de cette expérimentation, en avril 2024, le statut réglementaire sera à définir. « La France a les atouts pour réussir sur ce marché. Nous avons le potentiel agronomique, pharmaceutique, médical pour développer des produits et innover. Les produits disponibles actuellement sont des produits peu caractérisés avec des formules archaïques ; on a tout un champ des possibles pour innover », a déclaré Hugues Péribère.