Depuis un mois, la courbe des prix du colza en Europe ressemble à un toboggan dont l’inclinaison est particulièrement raide. Chaque tonne échangée sur les marchés physiques Fob Moselle était ainsi vendue 100 € de moins le 21 mars, que quatre semaines auparavant, soit une chute de près de 20 %. Les marchés à terme sur Euronext suivent strictement la même tendance, entre 454 et 465 €/t lors des quatre prochaines échéances trimestrielles jusqu’en février 2024, dont trois concernent donc les volumes de la prochaine récolte de 2023.

Les autres oléagineux suivent le même repli violent. La graine de tournesol s’échange à 400 €/t à Saint-Nazaire, contre 560 € il y a un mois (- 30 %) et 745 € en novembre, soit une baisse de près de moitié. Les débouchés, comme l’huile de colza, à Rotterdam, chutent aussi, passant de plus de 1 075 €/t il y a un mois à 880 €/t actuellement. C’est vrai aussi pour l’huile de tournesol, l’huile de palme, les tourteaux et les biocarburants. Il faut dire que ces derniers sont dépendants des cours du pétrole, qui se sont effondrés ces derniers jours, à 75 $ le baril de Brent, soit 25 % de moins qu’il y a un mois.

Comme souvent, c’est l’ambiance générale qui plombe les cours. La crainte sur la solidité du système bancaire mondial a sérieusement entamé le moral des investisseurs et des traders. Les crises sociales et de pouvoir d’achat en Europe, le coût et les incertitudes de la guerre en Ukraine pèsent sur les marchés. Les oléagineux en Europe n’y coupent pas.

Il faut ajouter, dans les facteurs d’influence des dernières semaines, le nouvel accord – pour deux mois – entre la Russie et l’Ukraine sur les exportations de céréales par voie maritime. Certes, les récoltes en Ukraine sont amputées par la guerre, mais le ministre de l’Agriculture ukrainien estime que la récolte de colza va atteindre 3,8 Mt, volume qui vient s’ajouter de facto à celui de l’Union européenne estimé à 19,5 Mt. L’Australie vient aussi d’annoncer une récolte record de 8,3 Mt. Au niveau mondial, les disponibilités, selon l’International Grains Council, en volume de colza et de canola dépassent 85 Mt. Pour la graine de tournesol, la récolte ukrainienne, de 11,5 Mt, vient percuter la production européenne de 9,6 Mt (pour une récolte mondiale totale d’environ 50 Mt), et fait chuter les prix.

Ces larges disponibilités, couplées à la contraction économique, expliquent le vent de volatilité qui touche les pays européens. En revanche, les cours du soja à Chicago restent plus stables aux alentours de 550 $/t. Les Américains sont plus confiants que les Européens. La proximité de la guerre en Ukraine en est peut-être la cause.