La gestion des risques sanitaires en Europe

La gestion des risques sanitaires en Europe porte principalement sur les organismes nuisibles « réglementés » qui font l’objet de mesures de lutte obligatoire. Il existe, par exemple, plusieurs outils indemnitaires pour faire face aux pertes et à la destruction des pommes de terre touchées par la bactérie causant la pourriture brune et annulaire.

En revanche, on recense assez peu de dispositifs indemnisant des maladies dites « non règlementées », généralement associées à la mise en œuvre de solutions techniques (traitements, pratiques agricoles adaptées, rotations). Selon Jean Cordier (Institut Agro), « la réduction de l’utilisation des pesticides et le dérèglement climatique sont de nature à favoriser l’émergence de nouveaux risques sanitaires, induisant de fait la création de nouveaux outils pour gérer ces risques : contrats, fonds mutuels, assurances et réassurances alternatives ».

En Angleterre, British Sugar propose une nouvelle option contractuelle

A la suite de la campagne désastreuse de 2020, les Anglais ont mis au point une procédure décisionnelle permettant d’activer (ou non) une dérogation pour utiliser des néonicotinoïdes. Cette procédure tient compte du risque de jaunisse virale estimé en fonction des températures hivernales. En complément, le sucrier British Sugar a instauré dès 2021 un dispositif de compensation des pertes jaunisse.

Confronté à des difficultés pour évaluer des pertes uniquement liées à la jaunisse, les Anglais ont choisi de proposer dans les nouveaux contrats 2023 une option de sécurisation plus flexible. Moyennant une réduction de son prix de betterave de 1,7 €/t, le planteur dispose d’une « protection rendement » lui assurant d’obtenir un paiement pour un volume pouvant atteindre, selon la superficie plantée, jusqu’à 80 % de son tonnage contracté. Pour Arthur Marshall (NFU) « ce filet de sécurité permettra aux betteraviers qui ont connu de fortes variations de rendement de réduire leur risque, en contrepartie d’un prix de betteraves inférieur ». Environ 15% des planteurs ont choisi cette option dans leur nouveau contrat 2023.

Et en France ?

A travers l’exemple de la jaunisse des betteraves, la question de la gestion du risque sanitaire de maladies non règlementées se pose. Le projet Grecos a pour objectif de préfigurer un dispositif financier qui permettra de gérer le risque de jaunisse, une fois les solutions techniques du PNRI (produits de biocontrôle, nouvelles variétés) mises en œuvre. La capacité de mutualisation du risque jaunisse et le besoin en réassurance sont estimés en fonction des caractéristiques du risque : fréquence du risque ? Intensité des pertes ? Caractère systémique (c’est-à-dire la maladie touche-t-elle tous les betteraviers en même temps) ?

Pour Jean Cordier (Institut Agro), « le développement de nouveaux fonds mutuels pour sécuriser le rendement permettra d’accompagner la filière betterave-sucre dans la transition vers de nouveaux modes de production sans néonicotinoïdes. »

Des fonds mutuels en Italie

Des syndicats agricoles italiens sont à l’initiative de la création de fonds mutuels pour gérer certains risques sanitaires qui ne sont pas pris en charge par les polices d’assurances.

Parmi eux, le fonds grandes cultures « Seminativi » a été reconnu en 2019 par le ministère de l’agriculture italien. Ce fonds intervient en complément de l’assurance climatique et une partie de la cotisation est complétée par un subventionnement public européen à hauteur de 70 %.

En cotisant tous les ans au fonds à hauteur de 0,11 % du capital (3,3 €/ha pour 3 000 €/ha de chiffre d’affaires), l’agriculteur peut être indemnisé pour ses pertes au-delà de 20 % et jusqu’à 30 % de son capital garanti en cas d’aléa sanitaire. Afin d’inciter les mesures de prévention, l’indemnisation ne peut être déclenchée que si les parcelles voisines ont également été atteintes par la maladie.