Depuis un an, la guerre en Ukraine avait eu pour effet de faire grimper les prix en flèche du colza et du tournesol, multipliant par trois les cours habituels. Mais, depuis un mois, c’est à un reflux auquel on assiste. Malgré la guerre, la production ukrainienne se porte assez bien, avec des prévisions de récolte de près de 4 Mt de graines de colza et de plus de 11 millions de tonnes de graines de tournesol, ou sous forme d’huiles quand les outils de trituration fonctionnent. L’Ukraine ne fait pas partie de l’Europe, mais les droits de douane ont été supprimés en mai 2022 pour soutenir l’économie ukrainienne. Et ces volumes viennent percuter la production européenne.

Dès lors, les producteurs des pays limitrophes voient les cours s’effondrer et sont furieux. La Pologne, pourtant en première ligne pour soutenir l’Ukraine, a décidé de fermer ses frontières aux importations. Son ministre de l’Agriculture, Henryk Kowalczyk, a même décidé de démissionner. La Hongrie de Viktor Orban, déjà peu encline à soutenir l’Ukraine, a emboîté le pas, suivie par la Slovaquie qui s’appuie sur la découverte à point nommé de pesticides « dangereux » pour le consommateur. Théoriquement, ces trois pays n’ont pas le droit de restreindre les importations, l’accord d’importation étant du ressort de l’Union européenne. Des négociations vont s’ouvrir pour trouver des solutions et, sans doute, des compensations financières.

Résultat, les cours de la graine de colza restent bloqués autour des 450 €/t-470 €/t en Europe. La graine de tournesol subit le même sort, autour de 450 €/t sur le marché physique Rendu Saint-Nazaire. Le canola canadien, dont l’Europe importe des quantités conséquentes, est aussi en baisse, aux alentours de 560 USD, en raison de stocks qui augmentent et d’une activité de trituration moins dynamique que prévu sur le marché domestique canadien. Avec la récolte record en Australie, de plus de 8 Mt, les disponibilités ont ainsi tendance à s’accroître au niveau mondial.

Il faut ajouter qu’en Europe, les pluies de mars et d’avril sont favorables aux cultures. Les plaines françaises se sont d’ailleurs recouvertes de leur joli manteau jaune d’or, ce qui présage d’une belle récolte de colza si les conditions climatiques perdurent. Enfin, au niveau mondial, les cours de la graine de soja se tiennent autour de 550 $/t. La récolte record de 153 Mt au Brésil est contrebalancée par celle de l’Argentine à 23 Mt, divisée presque de moitié. Bref, aucun facteur n’est favorable à des hausses de cours pour l’instant. Fin mai, l’accord sur le corridor entre la Russie et l’Ukraine sera remis en jeu. De quoi nourrir à nouveau les incertitudes…