Les marchés des graines de soja et du colza se caractérisent par une stabilité étonnante depuis plusieurs mois. Une tonne de soja vaut au dollar près en septembre ce qu’elle valait en juin. Les cours du colza sur le FOB Moselle sont à peine plus mouvants, un petit clapotis sur une mer d’huile, d’une vingtaine d’euros à la hausse ou à la baisse. À près de 450 €/t, le colza reste un peu mieux valorisé en cette rentrée qu’en fin de campagne. La récolte est bonne, en quantité et en qualité. Mais côté prix, pas de forte hausse, ni de baisse sensible. Sur Euronext, le corridor de prix se situe entre 430 et 460 €/t sur les quatre prochaines échéances, jusqu’en novembre 2024.

Il pourrait pourtant y avoir quelques raisons pour une tendance haussière. Comme la récolte de canola au Canada. D’après les chiffres de StatCan, elle se situerait autour de 17,6 Mt, largement en dessous de la récolte de l’an dernier à 19 Mt. Et pourtant, les cours ne s’envolent pas. La dernière campagne a été très dynamique, avec une forte hausse des exportations, mais les stocks sont restés très élevés à 1,3 Mt. En Australie, la récolte 2023 est aussi à la baisse, aux alentours de 5 Mt, contre plus de 8 Mt lors de la campagne 2022. Mais cette chute de production ne fait pas grimper les cours non plus.

L’aspect géopolitique n’a pas plus d’impact. Les Russes n’acceptent plus le corridor permettant à l’Ukraine, comme à la Russie, d’exporter des céréales via la mer Noire. La Russie menace de couler les vraquiers, avec déjà un navire attaqué par des missiles, sans succès. Des infrastructures portuaires sur le Danube ont été bombardées. Mais pour les analystes, les risques sur les exportations leur semblent minimes, sachant que les volumes de production ukrainiens peuvent sortir par voie terrestre jusqu’en Roumanie.

Or, l’Ukraine affiche une récolte de colza de 4 Mt, dont la totalité est destinée à l’exportation, sous forme de graines et d’huile, selon les données d’UkrAgroconsult du 9 septembre. La récolte de tournesol s’annonce également élevée, de l’ordre de 17 Mt. Ces volumes significatifs pèsent sans doute sur les cours européens, au point que les producteurs des pays limitrophes de l’Ukraine réclament des aides pour résister à la concurrence ukrainienne.

Les autres facteurs, comme la glaciation de l’économie chinoise qui pèse sur ses importations, ou la hausse des prix du pétrole qui entraîne celle des biocarburants, n’ont pas plus d’impact. Le marché du soja est lui aussi vitrifié à 500 $ la tonne depuis de longs mois. La production mondiale atteint 660 Mt, pour une utilisation de 570 Mt, ce qui laisse 130 Mt de stock. Certains pensent que les cours pourraient chuter avec la récolte argentine qui s’annonce bonne. Mais, à l’heure actuelle, les pessimistes n’ont pas plus d’influence que les optimistes…