La Commission européenne a publié, le 20 septembre dernier, un projet de règlement visant à autoriser la ré-homologation du glyphosate pour une période de 10 ans. Elle propose quelques restrictions, mais invite, dans leur grande majorité, à laisser leur application à la discrétion de chaque État, avec le risque de distorsion de concurrence inhérent à ce choix. Ce texte doit maintenant être discuté par les États membres réunis au sein du Scopaff. L’Allemagne a déjà fait savoir qu’elle voterait contre. On peut alors se demander quelle va être la position de la France ? Si le ministre de l’Agriculture est favorable en soi à la réhomogation de la molécule, il souhaite cependant en restreindre l’utilisation de façon beaucoup plus draconienne que la Commission européenne. Le 21 septembre dernier, le ministère de l’agriculture s’est exprimé en ces termes : « aujourd’hui, les autorités françaises ne sont pas satisfaites de cette proposition. En effet, l’approche française, fondée sur la recherche d’alternatives pour ne laisser aucun agriculteur sans solution, a conduit à interdire l’utilisation du glyphosate dans les situations où il peut être substitué par une alternative viable. La France considère que cette approche permet de réduire les usages sans mettre les agriculteurs en situation d’impasse et souhaite désormais partager son expérience dans ce domaine. La France demande que cette démarche soit harmonisée au niveau européen, et puisse être approfondie au fur et à mesure de la disponibilité en alternatives ». Paris veut donc imposer à l’ensemble des pays européens ses restrictions.

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Si Éric Thirouin a salué la volonté d’éviter une distorsion de concurrence supplémentaire, il s’étonne de cette position : « depuis 5 ans, la France a créé de son propre chef une distorsion de concurrence avec des restrictions d’usage extrêmement contraignantes. Si l’Efsa a dit qu’on peut le ré-homologuer et que la Commission dit qu’on peut ne pas mettre de contrainte supplémentaire, je ne vois pas pourquoi, en France, on irait encore complexifier les choses », a-t-il affirmé en évoquant l’extrême complexité de la réglementation agricole française.

Les « alternatives sans inconvénients économiques ou pratiques majeurs »

Par ailleurs, dans une note envoyée à la direction générale de la santé de la Commission européenne, les autorités françaises expliquent avoir interdit les usages du glyphosate « pour lesquels il existe des alternatives non chimiques pouvant être mises en œuvre sans inconvénients économiques ou pratiques majeurs » et affirme que cette approche « doit être poursuivie à l’échelle européenne, par tous les moyens réglementaires ou incitatifs disponibles ». On peut aussi se demander si les « alternatives sans inconvénients économiques ou pratiques majeurs » existent vraiment dans toutes les situations où le glyphosate a été interdit ?

De son côté, Sarah El Haïry, la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, a estimé le 26 septembre dernier sur le plateau de France 24 que le texte publié n’est pas « acceptable » et constitue « un recul grave et malheureusement extrêmement dommageable pour la biodiversité ». « Aujourd’hui, la Commission propose un recul » qui va « à l’envers de l’histoire », précise-t-elle.

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