« Il est tombé plus de 600 ml depuis un mois », explique Marc Delaporte, betteravier à Tubersent, dans le Pas-de-Calais. « Et ce n’est pas fini ». Le paysage est désolant : champs inondés, érosion importante, routes coupées, boue sur les murs des maisons. Des ravines ont même arraché des betteraves par endroits. La Somme est aussi touchée, particulièrement dans les bas-champs de l’ouest du département.

Si les arrachages de betteraves sont en retard dans toute la France, la situation est particulièrement tendue dans le Nord-Pas-de-Calais. « On a arraché 50 à 60 % des surfaces, alors qu’on devrait être à 75 % », explique Guillaume Wullens, le président de la CGB Nord-Pas-de-Calais, lors d’une visite sur le terrain, le 14 novembre. En effet, bon nombre de champs sont impraticables. « Sur le secteur de Saint-Omer par exemple, je pense qu’aucune arracheuse ne pourra rentrer dans une parcelle avant plusieurs semaines », précise-t-il. Et les agriculteurs qui pourraient arracher sont réticents à le faire en raison des problématiques de tare-terre et de compaction des sols.

Les groupes sucriers ont choisi des modalités de gestion de cette crise météorologique différentes. Cristal Union a levé les accords de tare-terre sur des périodes limitées. Tereos a préféré ralentir les usines et plafonner l’impact de la terre à la moyenne de l’usine, pour des durées définies, dans les sucreries de Lillers, Boiry et Attin.

Autre problématique à venir : le transport des betteraves. Les précipitations ont entraîné de l’érosion dans les champs, mais aussi sur les chemins et les bas-côtés. Certains silos vont devenir plus difficiles d’accès et certaines routes sont simplement fermées. Des déviations ont dû être mises en place, à l’image de la sucrerie d’Attin où un certain nombre de camions doivent emprunter l’autoroute, explique Marc Delaporte. Au ruissellement des précipitations vient s’ajouter le débordement des nappes phréatiques, caractérisé par une eau souvent beaucoup plus claire.

Brocard d’été
Passage de pulvérisateur ou les betteraves ont été arrachés par l’eau. ©Renaud d’Hardivilliers

Que va-t-il se passer pour les planteurs qui ne peuvent ou ne veulent pas arracher leurs betteraves avant les dates butoirs ? Une question non résolue à date. « Il y a un risque sur l’approvisionnement », s’inquiète Fabien Hamot, le président de la CGB de la Somme, également présent lors de la visite. « On est quasiment sûrs qu’il y a des betteraves qui resteront dans les champs », prévoit de son côté Guillaume Wullens.

Les éleveurs sont souvent les plus touchés

« Les anciens disent qu’ils avaient déjà vu cela en 1947, mais pas depuis », témoigne Thierry Merlot, un autre betteravier de la région. Selon lui, il y avait déjà eu beaucoup de précipitations durant l’automne 2012, mais en moins grande quantité et sur une période plus étalée. Si les grandes cultures sont touchées, ce ne sont pas les plus impactées. Les éleveurs, qui ont leur bâtiments en aval des champs, ont vu arriver des rivières dévastatrices dans leur corps de ferme, allant jusqu’à mettre en danger les animaux. Une déambulation dans les villages montre même des balles d’enrubannage dispersées dans les jardins des particuliers, à plusieurs centaines de mètres de leur lieu de stockage. « J’ai des balles à récupérer un peu partout », témoigne un éleveur bovin. Les dégâts sont importants, tant d’un point de vue matériel que moral.

Brocard d’été
Des balles d’enrubannage ont parfois été transporté sur plusieurs centaine de mètres. ©Renaud d’Hardivilliers

Que faut-il faire maintenant ? « La première chose à faire, c’est de favoriser l’écoulement de l’eau », explique Guillaume Wullens. Dans certaines zones côtières, cela passe par la gestion des systèmes d’écluse, explique-t-il. À plus long terme, et dans certaines parcelles, se pose aussi la question polémique du curage des fossés et des cours d’eau.

Emmanuel Macron, en visite de terrain dans le Nord, le mardi 17 novembre, a annoncé le déblocage d’un « fonds de soutien » de 50 millions d’euros destiné à « accompagner les communes les plus touchées ». Le chef de l’État a également précisé que l’état de catastrophe naturelle serait reconnu pour 244 communes (214 dans le Pas-de-Calais, une trentaine dans le Nord) affectées par la tempête Ciaran du 2 novembre, par les crues records le 7 novembre et par les précipitations intenses des jeudi 9 et vendredi 10 novembre. 8 communes de l’ouest de la Somme ont aussi le même statut.

De son côté, la MSA Nord-Pas-de-Calais met en place plusieurs aides financières :

  •   une aide exceptionnelle d’urgence sociale pour les sinistrés (jusqu’à 800 euros),
  •   une prise en charge de cotisations, via un formulaire simplifié à renvoyer avant le 1er décembre,
  •   des échéanciers jusqu’à 36 mois et/ou des remises de majorations de retard peuvent également être demandés et accordés après passage en commission de recours amiable,
  •   une enveloppe de plus de 800.000 euros dont l’objectif sera d’aider les adhérents les plus sinistrés qui seront identifiés en lien avec les délégués MSA et les mairies, à horizon fin 2023-début 2024.

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