L’humanité dépend de 50 000 espèces sauvages pour sa survie. Mais une espèce sur six est en voie d’extinction, alerte Pauline Lebecque, conseillère biodiversité Hauts-de-France. Et les agriculteurs sont concernés, car la biodiversité leur assure trois grands services : la décomposition de la matière organique, la pollinisation et la régulation des ravageurs.

Des espèces utiles pour l’agriculture

Les organismes du sol représentent 25 % des espèces décrites dans le monde. Leur rôle est indispensable pour transformer la matière organique.

Quant aux insectes, ils assurent 80 % de la pollinisation des plantes à fleurs, soit une valeur estimée à 153 milliards d’euros. Sans ces insectes pollinisateurs, une grande partie des plantes à fleurs, des fruits et des légumes n’existeraient plus. L’abeille domestique ne participe qu’à 15 % de la pollinisation par les insectes. Le reste est assuré par les abeilles sauvages (1 000 espèces en France). Les diptères sont très importants pour les fleurs, comme les coléoptères qui transportent le pollen et, de façon beaucoup moins importante, les papillons de jour et de nuit et les punaises.

De nombreux auxiliaires des cultures permettent de réguler les ravageurs, note la conseillère. Comme les hyménoptères parasitoïdes, les punaises ou les carabes pour le puceron. La larve coccinelle à 7 points dévore chaque jour 60 pucerons. La chrysope dévore trente araignées rouges en une heure au stade larvaire et plus de 400 pucerons au cours de son développement. Un carabe adulte consomme 120 pucerons ou 5 limaces. Mais comment favoriser l’action de ces auxiliaires des cultures ?

Les auxiliaires ont besoin d’un autre milieu que la parcelle

Un seul auxiliaire présent ne suffit pas pour limiter les différents ravageurs des cultures, insiste la conseillère de la chambre d’agriculture. Il faut un ensemble de plusieurs auxiliaires pour réguler les ravageurs. Et pour cela, il faut offrir le gîte et le couvert pour les larves et pour les adultes. Il faut être vigilant pour ne pas supprimer un maillon de la chaîne alimentaire. Plus de 80 % des auxiliaires ont besoin d’un autre milieu que celui existant dans les parcelles pour finir leur cycle de vie. D’où la nécessité de soigner les abords des champs.

Des couverts longs et diversifiés

Un des leviers les plus efficaces est d’offrir des couverts végétaux longs et diversifiés, estime Pauline Lebecque, prônant la complexité végétale. Simplifier la complexité végétale revient à banaliser les espèces retrouvées, qui favorisent souvent les consommateurs primaires (ravageurs). Plus il y a d’espèces d’auxiliaires différentes dans un milieu, plus l’agriculteur peut maximiser la régulation des ravageurs.

Les intercultures composées de plusieurs espèces végétales abritent plus d’auxiliaires que les monospécifiques. La conseillère entomologiste a comptabilisé 2 à 6 fois plus d’auxiliaires dans une Cipan radis, trèfle, moutarde, phacélie que dans un couvert de moutarde uniquement.

Implanter des jachères pour plusieurs années

Implanter les jachères à l’automne permet de gagner une saison de floraison. La pérennité des jachères favorise les auxiliaires. Au bout de trois ans, leur quantité est triplée. L’abondance des auxiliaires s’améliore aussi avec le nombre des années pour les bandes fleuries. Une bande fleurie composée de lotier corniculé, phacélie, bourrache, trèfle blanc, bleuet sauvage, voit sa quantité d’auxiliaires multipliée par trois la deuxième année.

De même, la plantation d’arbres améliore la biodiversité systémique. La présence de haies reste un élément favorable à une diversité des espèces. Une étude d’Agro-transfert indique que la quantité de prédateurs est multipliée par deux avec une haie.

Autre pratique favorisant la biodiversité, le développement d’associations culturales avec des plantes compagnes. Cela permet, par exemple pour le colza, de diminuer significativement la grosse altise et les pucerons (pour la petite altise, cela n’est pas significatif).

En revanche, l’utilisation d’insecticides a tendance à diminuer l’abondance d’insectes. Une étude de la chambre d’agriculture de l’Aisne de trois ans chez des agriculteurs quantifie cette baisse d’insectes globalement à 20 %. Selon cette même étude, le non-labour serait plus propice aux insectes, avec pratiquement 20 % d’insectes relevés en plus. De même, une taille des parcelles de moins de 10 ha serait favorable aux auxiliaires. Les parcelles de moins de 10 ha auraient environ 20 % de quantité d’insectes en plus que les parcelles de 10 à 15 ha. Les différences sont moindres entre les parcelles de 10 à 15 ha et celles de plus de 15 ha.