Les prix de ses frites, c’est Lionel Salaun qui les fixe. Depuis que l’agriculteur transforme les pommes de terre qu’il cultive sur son exploitation en frites, en lamelles ou en cubes emballés sous vide, il s’est affranchi de la conjoncture du marché des pommes de terre de conservation.

À Plabennec, il en cultive chaque année 14 hectares. Les variétés choisies (Monalisa, Bintje, Spunta, Désirée) sont toutes aptes à la transformation en frites.

« Respecter les règles de rotation est primordial », défend Lionel Salaun. Certaines campagnes, il échange des parcelles de terre de son exploitation de 50 hectares avec des voisins, pour que ses cultures de pomme de terre s’inscrivent bien dans une rotation de 6 ans.

« Un rendement de 35 t/ha suffit pour être rentable », explique Lionel Salaun, qui commercialise ses tubercules transformés entre 90 centimes et 1,25 € le kilo, alors qu’en frais, les cours oscilleraient entre 7 et 30 centimes, selon les années et la période de vente.

Affranchi du marché de la pomme de terre

La rentabilité de l’activité de transformation repose d’abord sur les marges dégagées par la commercialisation des sachets de légumes vendus, et non pas sur les rendements et les coûts de production de pommes de terre cultivées.

À ce jour, l’agriculteur emploie 4,5 salariés équivalent temps plein en CDI. Il compte sur eux pour faire fonctionner l’atelier.

L’essentiel de la production de légumes frais ensachés provient des pommes de terre cultivées puis stockées sur l’exploitation. Parfois, il en achète sur le marché libre en cas de commandes importantes.

Sa chambre blanche étant certifiée bio, Lionel Salaun transforme parfois des lots de pommes de terre biologiques qu’il achète à des planteurs. Mais cette activité est de moins en moins intéressante commercialement. Le cahier des charges à respecter est lourd et la transformation de pommes de terre bio porte sur de petites quantités. En fait, les prix élevés de ces produits labellisés « AB » dissuadent certains de ses clients à en acheter.

Les sachets de pommes de terre entières, frites, en lamelles ou en cubes sont élaborés dans une chambre blanche, qu’il a aménagée dans un des bâtiments de l’exploitation.

Ses clients sont des grossistes qui approvisionnent les restaurants et les collectivités territoriales en légumes frais.

La rentabilité pas liée au rendement

Chaque semaine, Lionel Salaun adapte sa production en fonction des demandes des grossistes auxquels il vend ses produits. Mais il veille à conserver des pommes de terre toute l’année, pour pouvoir les transformer.

Autodidacte, l’agriculteur-entrepreneur a bâti son projet d’installation seul. Afin de convaincre son banquier de lui accorder un prêt de 260 000 € (exploitation 200 000 € et atelier de transformation 60 000 €) pour financer son projet d’agriculteur-transformateur, Lionel Salaun s’est d’abord lancé dans la production de quelques tonnes de pommes de terre dans un laboratoire « expérimental », tout en restant salarié dans la maintenance d’équipement d’élevage. Il s’est ainsi constitué une clientèle sur laquelle il a pu s’appuyer lorsqu’il s’est installé agriculteur.

Lionel Salaun a cultivé ses premiers hectares de pommes de terre en 2018. La même année, le nouvel installé s’est constitué un troupeau de vaches allaitantes d’une vingtaine de mères croisées Angus-Blonde d’Aquitaine « pour valoriser ses prairies et pour pouvoir garder une fumure équilibrée au niveau de ses parcelles. L’élevage joue un rôle primordial dans l’équilibre des sols ».

Un parcours professionnel bien singulier

Pour ne pas avoir à faire face à des charges de structure démentielles, qui auraient plombé la rentabilité de son activité, Lionel Salaun n’a acquis que les machines dont il a besoin pour trier et transformer ses pommes de terre. Il confie une grande partie de la culture à une entreprise de travaux agricoles.

Le producteur doit sa réussite à ses différentes casquettes : fils d’agriculteur, il a une formation d’électrotechnicien en maintenance de bâtiments agricoles, sur laquelle il s’appuie pour faire fonctionner son atelier. Son parcours professionnel le rend ainsi autonome et polyvalent.

Depuis 2020, ses soucis sont ceux des TPE, dont l’activité a été affectée par la crise de la Covid, puis par l’inflation des prix des intrants et de l’énergie.

Par ailleurs, Lionel Salaun ne parvient pas à répercuter sur ses produits l’intégralité de la hausse de ses frais (emballage, transport etc.), mais il est confiant. La baisse de ses marges serait limitée.

En jouant la carte de la flexibilité, il répond à toutes les demandes de ses clients. Aussi, il garde la main sur ses prix de vente.

Ne manquez pas la suite du dossier : Dans l’Aube, la pomme de terre dans tous ses états