Le 15 février dernier, le site Sovecon.ru a fait deux annonces. Elles portent sur la prochaine récolte de blé en Russie et sur l’état des stocks du pays. Sovecon.ru a relevé ses prévisions de production d’1,4 million de tonnes (Mt) à 93,6 Mt. Elles seraient supérieures de 0,8 Mt à celles de l’année passée car les conditions météorologiques hivernales sont jusque-là très favorables aux cultures. Dans le détail, 67,7 Mt de blé d’hiver (+ 4 Mt) et 25,9 Mt de blé de printemps seraient ainsi récoltées cette année.

Par ailleurs, jamais les stocks russes de blé n’ont été aussi élevés (36,5 Mt) à pareille époque, selon Sovecon.ru. Or, à la fin du mois de juin prochain, ils ne devront pas excéder 10 Mt pour ne pas compromettre la prochaine campagne de commercialisation 2024-2025. En attendant, ses stocks pléthoriques font pression sur les marchés intérieurs et internationaux.

À Rouen, le prix de la tonne de blé est passé sous le seuil de 200 € le 15 février dernier et le 19 février, la céréale ne valait plus que 193,50 €. Le cours du maïs s’est aussi replié dans la foulée pour atteindre 168 €. Du jamais vu depuis 2020 !

L’hiver n’est pas encore fini en Russie, mais les cultures de céréales ne sont plus dévastées par des températures polaires depuis des années. Jadis, les mauvaises campagnes allégeaient la concurrence russe sur les marchés des céréales. Dorénavant, les récoltes records s’enchaînent car le dérèglement du climat bénéficie à l’ex-empire des tsars.

En attendant, la Russie doit exporter au moins 39 Mt de céréales d’ici la fin de la campagne, dont 20 Mt de blé pour ne pas débuter la prochaine campagne avec des stocks pléthoriques.

Mais les sociétés spécialistes de l’export se heurtent à la tentative de leur gouvernement de réglementer les prix de vente. Si bien qu’entre novembre et janvier dernier, seules 10,4 Mt de blé auraient été vendues (versus 12,4 Mt un an plutôt).

Quelle nouvelle pourrait faire réagir les places de marché et tirer les prix à la hausse ? Pas l’estimation de la production brésilienne de maïs dorénavant estimée par la Conab à 114 Mt, soit 10 Mt de moins que l’USDA. Ni même les conditions de semis actuellement mitigées de la safrinha.

Seule l’augmentation de la production brésilienne de bioéthanol de maïs (qui est pour très minoritaire par rapport à l’éthanol de canne à sucre) pourrait assainir quelque peu le marché mondial du maïs, selon FranceAgriMer. Mais ses effets ne sont pas encore perceptibles.

Les attaques de navires dans le golfe d’Aden rendent cette zone maritime très risquée. Mais là encore, aucune tension sur les prix des céréales n’est perceptible, car les compagnies maritimes font dorénavant passer leurs navires par le Cap de Bonne Espérance.

Toutefois, la Russie et l’Ukraine sont très affectées par ces détournements. Après avoir traversé la mer Noire, les cargos n’accèdent plus à l’océan Indien en passant par le canal de Suez. Or, l’Ukraine en guerre parvient à expédier chaque mois plus de céréales par le nouveau corridor maritime qu’en 2022 par celui érigé sous la protection de l’ONU.

Impact sur la balance commerciale française

En France, la faiblesse des prix des céréales impacte fortement la balance commerciale agricole et agroalimentaire. L’an passé, l’excédent commercial (6,5 Mds d’€) était inférieur de 3,7 Mds d’€ à celui de 2022, car les exportations de grains (7,65 Mds d’€) avaient diminué dans les mêmes proportions.

Toutefois, les ventes de céréales intra-européennes (4,48 Mds d’€) se sont moins repliées (-25 %) que celles avec les pays tiers (3,15 Mds d’€) de 40 %.

Cette année, le commerce agricole et agroalimentaire n’a pas contribué à réduire le déficit commercial français sous le seuil de 100 Mds d’€. Mais sans les céréales, le solde commercial agricole et agroalimentaire français serait proche de zéro.

Or, l’Union européenne accroît le sien chaque mois un peu plus. De janvier à octobre 2023 (dernier chiffre connu), il a atteint 58 Mds d’€, soit 10,6 Mds d’€ de plus qu’en 2022.

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