Dans quelques jours, les députés vont débattre en séance publique de la proposition de loi « Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Cette proposition de loi est une initiative des sénateurs Laurent Duplomb et Franck Menonville, qui sont aussi tous les deux agriculteurs. Elle a été adoptée par le Sénat à la fin janvier.

Ce texte porte sur différentes thématiques d’intérêt majeur pour le monde agricole :
souveraineté alimentaire, distorsions de concurrence intra-européennes, stockage de l’eau, ICPE, séparation de la vente et du conseil pour les phytosanitaires, choix des consommateurs, etc. Il apporte des réponses concrètes aux nombreuses revendications des agriculteurs, largement exprimées lors des mobilisations massives intervenues depuis l’automne 2023.

L’article 2 de cette proposition de loi, tel que voté par le Sénat fin janvier, propose notamment de réautoriser, sous conditions, plusieurs matières actives dont l’usage est interdit par la loi française depuis 2020.

On parle ici de trois molécules : l’acétamipride qui appartient à la famille des néonicotinoïdes, la flupyradifurone et le sulfoxaflor, qui ne sont pas des néonicotinoïdes mais sont considérés comme ayant un mode d’action similaire et à ce titre sont aussi interdits par la loi française.

La réglementation européenne ne permet pas l’usage du sulfoxaflor en plein champ (mais seulement sous serre), en revanche, elle autorise sans aucune restriction l’utilisation de l’acétamipride et de la flupyradifurone.

Qu’il s’agisse de l’EFSA, la plus haute autorité sanitaire de l’UE, ou des homologues européens de l’ANSES, aucune agence sanitaire n’a émis de contre-indication à l’usage de l’acétamipride ou de la flupyradifurone. L’acétamipride est homologuée au niveau européen jusqu’en 2033. Mieux : l’ANSES avait accordé la mention « Abeilles »
au Suprême, produit insecticide contenant de l’acétamipride, avant l’interdiction de son utilisation par la loi française. Cette mention autorisait l’usage du produit en période de floraison et de production d’exsudat, sur des cultures attractives pour les pollinisateurs. Il est donc totalement faux d’affirmer que l’usage de produits à base d’acétamipride décime les colonies d’abeilles et autres pollinisateurs.

Il résulte de ce cadre réglementaire et des évaluations scientifiques menées dans de nombreux pays européens que la flupyradifurone et l’acétamipride sont largement utilisées par nos voisins européens sur de très nombreuses productions parmi lesquelles :
pomme, poire, pêche, abricot, noisette, fraise, kiwi, prune, pruneau, raisin, cerise, amande, figue, petits fruits rouges, agrumes, noix, châtaignes, plant de pommes de terre et de fraisiers, semences, betterave sucrière, nombreux légumes dont l’asperge.

Qui peut croire que les gouvernements, parlements et agences de santé allemands, belges, espagnols, italiens, néerlandais, autrichiens, pour ne citer qu’eux, seraient collectivement aveugles et inconscients, détruisant leur biodiversité et empoisonnant la santé de leurs concitoyens ? Ils s’en remettent aux avis scientifiques des autorités compétentes, à l’échelle européenne et nationale.

A l’inverse, la France peut-elle continuer à nier et ignorer ce consensus scientifique, aveuglée par des marchands de peur ?

Ces matières actives permettent à nos homologues européens de mieux protéger leurs cultures contre les ravageurs, dans un contexte de pression croissante des risques climatiques et sanitaires. Cela leur permet de sécuriser leur rendement et leur revenu, dans le strict respect des réglementations européenne et nationales en vigueur.

Alors que nous opérons sur un marché unique, nous, producteurs français, sommes privés de ces solutions. Cette distorsion flagrante et inexplicable met en risque nos rendements et notre revenu. Elle menace la pérennité de nos productions et de nos entreprises et donc la souveraineté et la sécurité alimentaire des Français.

Quelle sera la maitrise de notre alimentation quand nous serons majoritairement tributaires d’importations ? L’épisode de la pénurie de moutarde en 2022 fut une première illustration des conséquences concrètes de la perte de souveraineté d’une filière.

Nous considérons qu’il est temps de mettre un terme à cette distorsion de concurrence et de remettre les agriculteurs français sur un pied d’égalité par rapport à leurs concurrents européens.

Tout ce que nous ne produirons pas demain sera importé avec des conséquences importantes pour notre souveraineté alimentaire, nos agriculteurs et nos nombreuses filières agro-alimentaires françaises, avec une décroissance économique majeure de nos territoires ruraux. Cela doit cesser.

Nous appelons donc solennellement les députés français, tous partis politiques confondus, à redonner aux producteurs français la possibilité d’utiliser ces substances actives autorisées par la réglementation européenne, en adoptant l’article 2 de cette proposition de loi, dans les mêmes termes que ceux du Sénat.