Pour sa première assemblée, Paul Lannoy, qui a succédé à Alexandre Quillet à la présidence de la CGB Eure, a axé son discours sur les prix de la betterave, le 16 mai dernier à Étrépagny.
« On ne peut pas annoncer encore de prix pour les betteraves 2024. Par contre, le contrat Saint Louis Sucre prévoit un prix minimum de 32 €/t. Ce prix ne couvre pas nos coûts de production et c’est une lacune de notre contrat betterave ; même si à ce jour le prix moyen des sucres vendus sur notre période de référence de l’observatoire des prix européens est au-delà, avec un prix moyen de 572,5 €/t de sucre blanc sur les mois d’octobre 2024 à février 2025, ce qui correspond à une betterave proche des 37 €/t de betterave à forfait collet de 7 %. Ce niveau de prix est acquis. Maintenant, il nous reste à aller chercher un supplémentaire de prix en CRV Saint Louis Sucre qui se teindra mi-juin. »
A ce jour, seul le groupe coopératif Cristal Union a annoncé, au cours de ses assemblées générales, un prix légèrement au-dessus de 41 €/t à 16°S, indemnités comprises pour 2024/2025. « Saint Louis Sucre est un groupe 100 % sucre sans production d’éthanol, ce qui devrait permettre d’atteindre un prix 2024-2025 plus élevé que nos coopératives françaises produisant 20 à 25 % d’éthanol avec un marché plus dégradé », souligne Paul Lannoy.
Surface en baisse de 13,5 % à Étrépagny ?
Le syndicat est revenu sur le bilan agronomique de la campagne 2024-2025. Les rendements ont été plutôt décevants en moyenne, avec des richesses parfois très basses (13 à 14 °S !). La sucrerie d’Étrépagny a tourné 139 jours pour traiter les 20 800 ha de betteraves, avec un rendement moyen de 76,8 t/ha à 16°S.
Pour 2025, la surface de betteraves aurait baissé de 13,5 % à Étrépagny, suivant ainsi la stratégie du groupe Südzucker de diminuer la production pour maintenir une rentabilité du sucre. « A mi-mai, le potentiel de la betterave est là, avec des plantes qui couvriront sous 10 jours », constate Benoît Carton, directeur de la CGB Normandie. Mais, sachant que « les coûts de production tournent autour de 3 000 €/ha, le prix d’intérêt de la betterave est relevé à 36/38 €/t pour un rendement de 80 tonnes minimum et tendre vers une couverture des charges ; sachant que l’objectif est de maintenir une betterave rémunératrice ! »
Le point positif est que l’on s’oriente vers la fin de la baisse du prix du sucre. « En Europe, les fondamentaux se tiennent, a estimé Timothé Masson, directeur du service économie de la CGB. Le gaz revient sous les 40 €/Mwh, les stocks sont bas, les surfaces dans l’UE ont baissé de 7 % et des disponibilités en provenance d’Ukraine sont réduites. »
Le directeur général de la CGB, Nicolas Rialland, a lui aussi insisté sur le rôle de la CGB, le syndicat des betteraviers, dans la défense du revenu des planteurs. « L’équation est simple : c’est un rendement multiplié par un prix, moins les charges. La CGB traite donc tout ce qui touche cette équation. » Le prix de la betterave se décide au niveau des entreprises, comme l’a exposé Paul Lannoy avec Saint Louis Sucre. Au niveau national, la CGB a par exemple été très présente auprès de parlementaires pour pousser la PPL des sénateurs Duplomb et Menonville, qui ont agrégé tous les points d’attente des agriculteurs, notamment pour en finir avec la distorsion de concurrence sur les moyens de lutte contre les pucerons. « Et au niveau européen, nous sommes mobilisés contre les importations massives de sucre ukrainien et les accords du Mercosur », a expliqué Nicolas Rialland.
À propos de la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, le président de la FDSEA de l’Eure, Amaury Levesque, a expliqué que le syndicalisme majoritaire mettra une pression maximale sur les députés à partir du 26 mai. La semaine de l’Ascension promet d’être houleuse !
Le syndicat a abordé un élément du revenu betteravier qui commence à faire parler de lui : les crédits carbone et les primes filières liées à l’agriculture bas carbone, régénérative ou de conservation des sols. « Cela regroupe globalement 4 pratiques : la fertilisation organique, l’optimisation de la fertilisation minérale azotée, les couverts d’interculture et la réduction du travail du sol », a expliqué Alexis Patry, directeur de l’ARTB (Association de Recherche Technique Betteravière).
Pourquoi les agriculteurs sont-ils autant sollicités par de nombreuses initiatives ? « Tout simplement parce que la réglementation européenne force la main aux entreprises pour diminuer leurs émissions. Et par effet domino, cette demande arrive jusqu’aux agriculteurs. Les questions à se poser sont les suivantes : l’initiative est-elle spécifique aux betteraves où est-ce qu’elle engage l’ensemble des cultures de l’exploitation ? Sur combien d’années est-on engagé ? Est-ce une offre exclusive ? » Si l’on rentre dans une logique d’amélioration des pratiques, on peut valoriser les efforts sous forme de crédit carbone. En revanche, si l’on est plutôt sur une logique de performance, on va rentrer dans les primes filières.
Un dernier point est très important, selon Alexis Patry : la nature de la rémunération : est-elle liée à la transmission des données et pas seulement à l’amélioration ou au niveau de performance ? Car l’amélioration de la performance ne durera pas éternellement. Une fois que les nouvelles pratiques deviendront la norme, il ne restera plus que la rémunération liée à la transmission des données qui devra être faite chaque année.