« L’association du colza avec des légumineuses est une pratique agroécologique emblématique », affirme Stéphane Cadoux, responsable du département agronomie, économie, environnement de Terres Inovia. Elle contribue à la robustesse de la culture et à la réduction des intrants. « Cette pratique s’appuie désormais sur des références solides et des conditions de réussite clarifiées. »
Maîtrise des adventices accrue
Les essais de Terres Inovia montrent que l’association colza-légumineuses augmente la biomasse produite à l’automne, ce qui renforce la concurrence vis-à-vis des adventices. En moyenne, un colza seul produit environ un kg de biomasse par mètre carré avant l’hiver. Dans le cas d’une association, la légumineuse s’ajoute à la biomasse du colza sans le concurrencer. A contrario, une association avec un couvert de plantes non légumineuses, comme la navette, pénalise la croissance du colza.
Selon Stéphane Cadoux, au-delà d’environ 1,5 kg/m² de biomasse produite avant l’hiver, « on observe une nette réduction de la couverture du sol par les adventices ». L’effet a été constaté dans des parcelles d’essais non désherbées. Leur couvert plus dense limite nettement l’enherbement. Cette compétition permet dans la pratique de réduire la dose d’herbicide sur colza associé tout en maintenant un niveau de salissement acceptable. Cependant, les légumineuses gélives étant sensibles aux herbicides, elles peuvent subir des phytotoxicités. Par conséquent, le choix des herbicides et de la dose d’emploi sont à raisonner en fonction des espèces de légumineuses. « Attention toutefois en cas de forte infestation en graminées : réduire fortement l’herbicide devient risqué car ces adventices très concurrentielles pourraient ne pas être suffisamment contrôlées », ajoute-t-il.
Moins de dégâts d’altises à l’automne
Associer des légumineuses au colza permet également de limiter les ravageurs d’automne, principalement les larves d’altises et de charançon du bourgeon terminal, explique Stéphane Cadoux. Tout d’abord, lorsque la biomasse des légumineuses dépasse 200 g/m² avant l’hiver, le nombre de larves d’altise par plante de colza est plus faible que sans légumineuse. Dans ce cas, le couvert perturberait les insectes. Barrière physique, microclimat ou effet répulsif ? « La cause exacte reste à confirmer », précise l’expert de Terres Inovia. Par ailleurs, la légumineuse améliore la nutrition azotée du colza à l’automne, ce qui dope sa croissance et le rend plus robuste. Un colza associé n’a pas les symptômes de carence d’un colza seul et continue à pousser au lieu de stagner dans les situations à faible minéralisation. Conséquence : les plantes plus vigoureuses résistent mieux aux attaques de larves et donc au froid. « Concrètement, on observe sur le terrain des parcelles de colza associé nettement moins ravagées : là où un colza seul a pu être presque détruit par les altises et le gel, le colza associé voisin est resté en bon état et redémarre vigoureusement au printemps », confie Stéphane Cadoux.
Économie d’au moins 30 unités d’azote
La légumineuse gélive associée joue le rôle d’un engrais vert : en se décomposant après le gel, elle restitue au sol une partie de l’azote qu’elle a fixé. Cet apport profite au colza durant le printemps. Des essais récents ont montré qu’un colza associé atteint son rendement maximal avec 30 à 40 kg/ha d’azote de moins qu’un colza seul, soit une économie d’au moins 30 unités sans perte de rendement. Un léger bonus de rendement apparaît même, de l’ordre de + 1 à +2 quintal/ha, selon les mélanges. Enfin, les restitutions d’azote et de carbone enrichissent le sol et pourraient aussi bénéficier à la culture suivante.
Anne Delettre
Dans le cadre de ces enquêtes agriculteurs biannuelles, Terres Inovia constate une progression de la pratique « colza associé » depuis 2014. Elle oscille entre 15 % et 20 % depuis 2020. La féverole s’impose dans plus de 50 % des associations colza-légumineuses, souvent en combinaison avec d’autres espèces. Viennent ensuite le fenugrec, le trèfle d’Alexandrie, puis des légumineuses pérennes. Ces dernières sont utilisées sur plus de 20 % des surfaces, avec un potentiel de croissance au printemps, voire dans la culture suivante.