L’acétamipride : star de l’été 2025 ? Son heure de gloire aura culminé pendant 10 jours, fin juillet, alors qu’une pétition contre la loi Duplomb alimentait toutes les discussions. Et puis le 7 août, le Conseil constitutionnel clôturait les débats en censurant partiellement l’article 2. Le président de la République pouvait ainsi sereinement promulguer la loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » expurgée de son article le plus polémique. La loi Duplomb-Menonville a donc été promulguée le 11 août par Emmanuel Macron … sans l’acétamipride.
La décision du Conseil constitutionnel, qui a censuré la réintroduction de l’acétamipride et de la flupyradifurone (une molécule dont on a moins parlé dans les médias), a été un véritable coup de massue pour les filières agricoles, qui attendaient enfin de pouvoir utiliser ces molécules pourtant autorisées par l’agence européenne de sécurité sanitaire (Efsa) et utilisées dans les autres pays européens.
« La France a fait le choix des importations »
Force est de constater que les surtranspositions en matière phytosanitaires vont encore demeurer en France. Dès la décision du Conseil constitutionnel connue, le président de la CGB Franck Sander, déclarait : « la France a fait le choix des importations plutôt que de la production nationale, c’est inacceptable et inadmissible ! Elle signe la mise en péril de la filière betterave et l’ouverture des importations de sucre, le tout produit avec de l’acétamipride ».
Alors quelles sont les pistes, sachant que la jaunisse est bien présente dans les régions betteravières cette année ? Car, quoi qu’en disent les experts et autres agronomes autoproclamés dans les médias, les agriculteurs touchés sont dans une impasse technique.
Et comme l’ont souligné plusieurs responsables betteraviers dans les médias : le risque est bien une baisse de surface des betteraves dans les années à venir.
Les demandes de la CGB
Les demandes de la CGB sont claires. Premièrement, un dispositif d’indemnisation des pertes causées par la jaunisse. Deuxièmement, l’investissement dans une recherche efficace et pragmatique de solutions alternatives pour apporter des réponses aux agriculteurs confrontés à l’absence de solutions techniques. Et, troisièmement, un projet de loi adapté pour chaque filière concernée pour répondre à l’« encadrement insuffisant » du dispositif de la loi Duplomb soulevé par le Conseil constitutionnel.
Un nouveau texte est tout à fait envisageable, puisque la décision du Conseil constitutionnel est fondée non sur le fond, mais sur la forme : cette institution considère que le dispositif proposé par la loi n’est pas suffisamment encadré. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel pointe l’ouverture à toutes les filières et l’absence de limitation explicite dans le temps de la réautorisation.
Puisque les Sages ne ferment pas totalement la porte, le sénateur Laurent Duplomb n’exclut pas de déposer un nouveau texte pour réintroduire l’acétamipride (voir page 9).
Dès le lendemain de la décision, le 8 août, le sénateur déclarait sur RTL : « le Conseil constitutionnel ne dit pas que l’acétamipride ne pourra jamais être réintroduit en France, il dit très clairement que les conditions et l’encadrement que nous avions posés ne suffisent pas pour passer la barre du Conseil constitutionnel. Cela laisse penser que si nous apportions des éléments pour encadrer plus cette loi, il pourrait la valider. »
Or, en 2020, les Sages avaient accordé une dérogation temporaire à l’interdiction des néonicotinoïdes, car elle était « cantonnée au traitement des betteraves sucrières dont la culture était soumise à de graves dangers », « circonscrite dans le temps » et car ses modalités garantissaient « une mise en œuvre limitée ».
Cette fois, ils ont censuré la dérogation introduite dans la loi en relevant qu’elle n’est pas limitée dans le temps, ni à une filière particulière, et concerne aussi la pulvérisation, aux risques élevés de dispersion des substances. Ainsi, le Conseil constitutionnel ne conteste pas le principe de dérogation d’un produit de la famille des néonicotinoïdes, mais il estime que la loi Duplomb ne définit pas un cadre d’usage suffisamment strict.
Alors en reprenant point par point les remarques des neuf Sages de la rue Cambon, il y a peut-être un chemin pour l’acétamipride !
« La mobilisation s’est faite de manière horizontale, par des boucles de mail » et « par effet de boule de neige, quand on a passé les 300 000 ou 400 000 signatures, des personnalités publiques se sont elles aussi mobilisées », a expliqué Jérôme Fourquet, directeur du département opinion et stratégies d’entreprises de l’IFOP dans l’émission C’est dans l’Air du 21 juillet. Ensuite, « la mécanique a pris une vitesse plus importante. Les médias se sont intéressés au phénomène (…) ce qui a « alimenté la machine ». Derrière cette pétition, Jérôme Fourquet y voit la mise en scène de deux visions de l’agriculture. « D’un côté, ce que certains vont appeler une forme d’agrobusiness, avec le profil du rédacteur de cette loi, Monsieur Duplomb, qui correspond un peu à l’idéal type sociologiquement parlant d’un cadre agricole comme on les connaît aujourd’hui » face « aux opposants qui disent : nous, on est pour une agriculture paysanne. » « Ce sont deux visions du monde qui s’affrontent, et cela alimente aussi la mobilisation dans la pétition. »
Dans plusieurs départements, les réseaux JA-FNSEA et la CGB lancent un ultimatum aux magasins qui vendent 260 produits contenant ou issus de cultures traitées à l’acétamipride.
« Nous exigeons des rayons cohérents avec les normes imposées à nos agriculteurs », déclarent les agriculteurs du Nord et du Pas-de-Calais dans un communiqué daté du 21 août. L’appel à mobilisation du réseau JA-FNSEA est mis en marche. Un courrier a été envoyé aux principales enseignes de grandes surfaces demandant le retrait immédiat de tous les produits contenant ou issus de cultures traitées à l’acétamipride.
« Nous exigeons la suppression en vente libre des 260 produits domestiques comprenant de l’acétamipride. Si l’État ne prend pas ses responsabilités, les agriculteurs prendront les leurs et videront eux-mêmes les rayons de ces produits », menacent la FDSEA et les JA 59-62, ainsi que la CGB Nord-Pas-de-Calais.
L’acétamipride est autorisé dans 26 pays européens
Leurs collègues de l’Aisne sont déjà passés à l’action le 13 août dernier quand une quarantaine d’agriculteurs – sous les bannières de l’USAA (FNSEA02), JA et CGB – ont débarqué dans trois grandes surfaces de Saint-Quentin pour contrôler la provenance des produits alimentaires, d’entretien et animaliers. Objectif : dénoncer les incohérences et distorsions de concurrence causées par l’importation de produits qui ne respectent pas les mêmes normes que celles qui s’appliquent aux agriculteurs français. « Les consommateurs français doivent savoir que les rayons contiennent des molécules interdites », a expliqué Guillaume Gandon, le président de la CGB Aisne.
L’acétamipride est autorisé dans 26 pays européens et la molécule est présente dans les produits importés (miel, riz, amande, Nutella, confiture, huile…) et même du sucre vendu sous marque distributeur, qui affiche des provenances d’Allemagne et de Pologne.
Les agriculteurs ont posé des stickers sur les produits qui ne respectent pas les normes imposées aux producteurs français.
On trouve aussi de l’acétamipride dans plus de 220 insecticides domestiques en France (anti-fourmis, antiparasite pour chien et chat…). « Les cafards vont crever. On l’utilise bel et bien pour notre petit confort dans nos maisons », a dénoncé avec humour sur son compte X Bruno Cardot, membre du bureau de la CGB Aisne.
En Alsace aussi, des producteurs du Bas-Rhin se sont donné rendez-vous dans une grande surface à Mundolsheim, au nord de la capitale alsacienne, le 20 août, pour dénoncer une concurrence déloyale. « On interdit certains produits aux producteurs français… mais on continue d’en retrouver dans les rayons des supermarchés via des importations étrangères, dénonce la FDSEA67. Il faut de la cohérence : on ne peut pas demander aux agriculteurs français de produire avec moins de moyens tout en laissant entrer sur notre marché des produits qui ne respectent pas les mêmes normes. Nous réclamons une chose simple : que nos agriculteurs aient les mêmes moyens de production que leurs voisins européens. »