La campagne 2024, un simple sursaut ou l’amorce d’une reprise durable ? L’an passé, 22 226 hectares (ha) de plants ont été plantés, soit 1 100 ha de plus qu’en 2023. Aussi, la production de plants certifiés s’est accrue de près de 21 000 tonnes et a atteint 565 500 tonnes (hors plants pour plants).
Pourtant, le nombre d’exploitations a encore diminué, passant sous la barre des 700. Mais leur superficie moyenne de 32,1 hectares a augmenté de 2,5 ha environ. Cette hausse a même compensé les hectares cédés par les 19 structures qui se sont retirées de la production en 2023. Par ailleurs, les conditions climatiques étaient favorables l’an passé. Aussi, les rendements étaient supérieurs de 4t/ha à ceux de 2023.
« Lors de la négociation des contrats de la campagne 2024, les producteurs ont été entendus par les collecteurs et les industriels de la transformation. Les organisations de producteurs sont parvenues à revaloriser les prix des plants destinés à la transformation et à rendre ainsi cette activité de production un peu plus attractive, explique Bernard Quéré, directeur de la Fédération nationale des producteurs de plants de pomme de terre (FN3PT). Produire du plant est une activité très risquée, bien plus exigeante que la production de pommes de terre de consommation ».
En fait, l’essor de la production de plants doit accompagner l’ouverture de nouvelles usines de transformation dans le nord de la France. Cette filière doit cependant se structurer sans anticiper la demande. « En 2025, le marché du plant sera équilibré avec une production étendue sur 23 500 à 24 000 hectares », affirme Bernard Quéré.
La filière plants comprend plusieurs sections (féculière, transformation, exports, frais) organisées en fonction de leurs débouchés.
Des aires de production limitées
Ces différentes sections sont réparties entre trois régions (Bretagne Plants, Comité Nord Plants et Comité Centre et Sud) (1) dont deux dotées d’une façade maritime pour limiter la propagation d’infection. Mais en Bretagne, la filière est axée sur l’export, avec un cahier des charges spécifique. Elle évolue au rythme des opportunités qui se présentent. Alors que dans le Nord de France, la filière est en première ligne pour répondre à la demande des entreprises de transformation.
Comme 300 000 ha de terres supplémentaires seront nécessaires à l’horizon de 2030 pour cultiver chaque année jusqu’à 50 000 ha de pommes de terre (il faut en effet prévoir une rotation de 6 ans), la filière régionale de production de plants se mobilise pour susciter de nouvelles vocations de multiplicateurs de plants.
Or la capacité d’extension des aires de production dans les départements maritimes est très limitée. Et dans les terres, l’Aisne, la Champagne-Ardenne et Centre-Val de Loire sont des régions vulnérables à l’attaque de pucerons.
N’est pas multiplicateur de plants qui veut ! L’agriculteur candidat doit à la fois avoir les compétences nécessaires pour cultiver des parcelles de plants, embaucher et former des travailleurs saisonniers, et disposer des fonds pour investir dans du matériel spécifique et des bâtiments de stockages au froid.
Aussi, une exploitation qui cesse la culture de plants, pour des raisons économiques ou de transmission, est une exploitation qui disparaît à jamais. Et recruter de nouveaux planteurs est compliqué.
Pour se lancer dans cette nouvelle activité, une des options la plus simple est le travail à façon. Les nouveaux planteurs commencent par cultiver sur de petites surfaces pour le compte d’un tiers. Ils sont rémunérés par un autre producteur pour cultiver sur leurs terres des plants en lui empruntant du matériel. A charge au maître d’œuvre de stocker, de trier et de commercialiser ses plants.
Un nouveau producteur pourra aussi profiter d’équipements collectifs en Cuma, emprunter des matériels à des voisins ou encore louer des bâtiments de stockage à une coopérative. Toutes les situations sont envisageables pour conquérir de nouveaux planteurs motivés.
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(1) Bretagne Plants pour la Bretagne. Comité Nord Plants pour les Hauts-de-France, la Normandie, une partie de la région Grand Est et le Nord de la région Ile-de-France. Comité Centre et Sud pour le Sud de l’Ile-de-France, la région Centre-Val de Loire, les Pays de la Loire, une partie de l’Aquitaine et Massif Central.
Les industriels calent leurs commandes de plants en fonction de la montée en puissance de leurs usines. Ils savent qu’ils ne peuvent passer commandes sans respecter le cycle de la production de plants.
Toute commande de plants à un collecteur lui donne une visibilité de 5-6 ans sur la puissance de la production à engager (producteurs et superficies mobilisés). En effet, lorsqu’un industriel formule une demande à des collecteurs, ces derniers passent commande aux OP de boutures qui récolteront alors une première génération de plants (G0). Et en même temps, ils recherchent des producteurs pour les campagnes G1 à G8.
La première catégorie de producteurs à conclure des contrats avec des collecteurs sont ceux qui cultivent des plants de souche (G1-G4) en milieu protégé, sous des filets. Ces derniers seront ensuite vendus à des multiplicateurs qui se chargeront de produire les plants de base et certifiés (G5 et suivantes) contractualisés avec des collecteurs avant d’être livrés aux industriels et aux producteurs avec lesquels ils ont contractualisé la production de pommes de terre de transformation.
Auparavant, les organisations de producteurs plants auront négocié des contrats avec les collecteurs en s’appuyant sur les coûts de production reconstitués de leurs producteurs adhérents. La situation de pénurie donne raison à leurs revendications. La tonne de plants calibrés de 35 mm à 55mm est payée environ 550 € au producteur.
Pour produire des plants, le producteur sème densément des plants (65 000 par ha) sur des rangs ou sur des planches d’1,50 à 1,80 mètre de large. Peu d’engrais sont épandus pour stresser la plante et produire des petits tubercules. On utilise un seul insecticide, la Teppeki et de l’huile. Le mildiou est traité avec plus de vigilance.
De la génération G1 à G3, les souches sensibles au virus peuvent être cultivées sous filet.
A partir de la génération G5 jusqu’à G9, une partie de la récolte de plants peut être employée pour réensemencer des plants sur la même exploitation. Le reste de la récolte est commercialisé en plants ou vendu dans le commerce.
Pour la transformation, tous les plants doivent être certifiés. Lorsqu’il s’agit de produire des pommes de terre de consommation, le producteur ne peut produire qu’une fois du plant fermier à partir de sa récolte. Les surfaces sont déclarées pour payer des droits d’obtention et pour faire des analyses sanitaires sur des maladies de quarantaine. Mais quelques pourcents de la superficie de pommes de terre cultivée chaque année échappent à cette déclaration.
Les producteurs délèguent aux OP la négociation des contrats avec les collecteurs, avec des contrats types. La construction des prix doit permettre de couvrir le coût de la production, de se rémunérer et d’investir, afin d’améliorer ses outils de production et ses pratiques tout en tenant compte des risques liés à la production de plants.
Les OP se sont lancées dans la recherche variétale depuis la fin des années 70, elles ont toutes une filiale de création variétale permettant de dégager des droits d’obtenteurs. Ces profits peuvent réduire les montants de cotisation et rendent les OP autonomes financièrement. En parallèle, les producteurs financent également leur propre Institut Technique Agricole, inov3PT, sur la base d’une cotisation spécifique de 65 €/ha.