« Aucune [de ces] solutions alternatives n’a l’efficacité des NNI ou même des produits de synthèse actuels », peut-on lire dans un rapport de l’Inrae, remis à la ministre de l’Agriculture le 28 octobre.

Ce rapport factuel et très documenté intitulé « Alternatives chimiques et non chimiques existantes à l’usage des néonicotinoïdes » fait l’inventaire de toutes les solutions proposées par la recherche et testées par le Plan national de recherche et innovation (PNRI) : produits phytosanitaires conventionnels ou de biocontrôle et d’autres techniques de prévention ou de lutte alternative contre les pucerons vecteurs de la jaunisse.

Dans un communiqué, la CGB a salué « la qualité et l’exhaustivité des conclusions de ce rapport, guidé par la rigueur scientifique. »

Après avoir rappelé qu’il « suffit d’un très faible taux de pucerons virulifères pour engendrer des contaminations fortes », le rapport de l’Inrae explique que « l’efficacité [des deux produits actuellement utilisés : Teppeki et Movento] est jugée suffisante en cas d’infestation modérée mais ne permet pas un contrôle complet en cas de très forte infestation. » Et de préciser que pour les deux produits en question (flonicamide et spirotétramate), constituant le programme actuel de lutte, l’un « doit être retiré du marché le 31 octobre 2025 » et l’autre « est susceptible de retrait à moyen terme. »

Conserver au moins deux produits phytos conventionnels

L’Inrae insiste pour que les agriculteurs puissent conserver au moins deux produits phytosanitaires conventionnels pour obtenir une bonne protection des betteraves. « Tant que les alternatives ne sont pas pleinement opérationnelles et maîtrisées par les producteurs, un accès à deux produits phytopharmaceutiques semble incontournable afin de pouvoir réaliser des alternances de traitement et éviter l’apparition de résistances dans les populations de ravageurs. » L’institut évoque notamment un nouveau produit (l’Axalion), qui pourrait compléter le Movento et le Teppeki. Le directeur général de l’ITB, Vincent Laudinat, souligne que « l’Inrae reconnait le rôle des produits conventionnels pour protéger les cultures pendant 70 à 90 jours ».

Du côté des alternatives, le rapport est sans ambiguïté sur l’absence de solution opérationnelle efficace et économiquement viable aujourd’hui.

La solution « la plus prometteuse », via l’usage de médiateurs chimiques, est décrite dans le rapport comme pouvant « diminuer le nombre de pucerons par plante, mais de manière assez variable et limitée ». Quant à l’usage de composés organiques volatils, le rapport rappelle que « les producteurs peinent à retrouver sur le terrain » le niveau d’efficacité annoncé.

« Les solutions de biocontrôle développées par Agriodor, les chrysopes et les plantes compagnes nécessitent encore une appropriation de la part des agriculteurs », a estimé le coordinateur de l’étude Christian Lannou, lors d’une conférence de presse. Et d’ajouter que « ces solutions ont des effets partiels, il faut donc une approche combinatoire. »

Les experts insistent sur le fait que la prophylaxie (l’élimination des résidus de récolte et des repousses qui sont des foyers de virus), l’épidémio-surveillance et les stratégies combinatoires sont des conditions indispensables au développement d’une protection alternative aux néonicotinoïdes et aux produits de synthèse en général. Car une simple substitution par des produits de biocontrôle ne sera pas suffisante.

Risque économique

Le rapport souligne également le risque économique que fait courir la jaunisse pour les exploitations betteravières gravement touchées. Et il dit explicitement page 18 : « ce constat motive largement la demande de la filière pour un accès à l’acétamipride ».

Fort de cette caution scientifique, le président de la CGB, Franck Sander, a déclaré : « le travail des experts de l’Inrae vient pleinement confirmer l’analyse de la CGB sur l’impasse technique dans laquelle se trouvent les betteraviers face à la jaunisse. Sur cette base, et afin d’en finir avec une distorsion de concurrence très pénalisante pour notre filière, nous demandons au gouvernement de déposer immédiatement un projet de loi qui nous donnera accès aux mêmes moyens de protection que nos voisins européens, dans le respect du cadre défini par les autorités sanitaires européennes. »

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* Betterave, pomme, cerise, noisette et figue.

En savoir plus : https://www.inrae.fr/actualites/rapport-2025-alternatives-usage-neonicotinoides