C’est la mauvaise nouvelle de la rentrée. Le nombre d’accidents mortels pendant la dernière saison de chasse (2024-2025) est en hausse : 11 morts contre respectivement 6, 6, 6 et 8 pour les quatre saisons précédentes. Il faut remonter à 2019-2020 pour retrouver un tel chiffre. La chasse du grand gibier est responsable de la totalité des victimes. Sur ces 11 accidents mortels on relève : 5 auto-accidents, 4 tirs en battue, 1 tir direct en déchargeant la carabine, 1 tir direct sans identification en fin de soirée. Aucune victime non-chasseur. Le non-respect de l’angle des 30 degrés demeure la première et la principale cause des accidents de chasse, suivi par la mauvaise manipulation des armes. On a aussi dénombré 100 accidents (blessures corporelles) contre 97, 78, 90 et 80 lors des quatre saisons précédentes. Là encore, il faut remonter à 2019-2020 pour relever un chiffre aussi élevé.
Quelles conclusions tirer ? D’abord, et ce n’est pas une nouveauté, que la chasse au grand gibier est la plus dangereuse. Il est bien évident que lorsque l’on tire avec une arme rayée capable d’expédier un projectile à trois kilomètres, on risque davantage d’accidents qu’en propulsant à une centaine de mètres une gerbe de plombs. Ensuite, les balles de chasse ont, par définition, une grande puissance létale. Contrairement aux balles de guerre qui traversent sans fragmenter (Convention de Genève), ces projectiles se divisent à l’impact, multipliant le nombre de blessures. Le but n’est pas de mettre sanglier, chevreuil ou cerf « hors de combat » comme sur le champ de bataille, mais de le tuer. Une balle de carabine qui touche un humain dans le torse, au cou ou à la tête le tue sans coup férir. Atteint aux jambes ou aux bras, il a une chance de s’en sortir si l’hémorragie peut être contenue.
Il le confond avec un sanglier et tue son ami
Il y aura toujours des impondérables mais enfin tirer, par exemple, sur une silhouette et confondre un homme avec un gibier semble invraisemblable. C’est pourtant régulièrement une cause d’accident mortel. Le 30 mai dernier, en Ille-et-Vilaine un chasseur s’en va au coucher du soleil protéger les semis de maïs d’un ami agriculteur. Il est dans la légalité. Accompagné d’un camarade, il se rend donc sur place et ils se séparent. Sa carabine n’est pas dotée d’une lunette de visée, qui aurait sans doute permis l’identification. La nuit tombe. Au bout d’un moment, il entrevoit une silhouette sombre au bout du champ. Il tire et tue son copain. L’horreur. Il était convaincu que son camarade n’était pas dans le coin et que ce qui bougeait là-bas ne pouvait être qu’un sanglier.
Aucun mort par chevrotine
Les cinq « auto-accidents » mortels sont dus à une mauvaise manipulation de l’arme. C’est le chasseur qui l’a fermée, grimpe au mirador, la carabine à l’épaule, veut s’en saisir et accroche la queue de détente. L’arme était chargée, ce qui évidemment est à proscrire. C’est aussi le chasseur qui laisse sa carabine chargée dans la voiture, veut l’attraper et fait partir le coup. La carabine ne doit jamais être opérationnelle en dehors de l’action de chasse. Il faut aussi rappeler qu’elle est dotée d’un cran de sécurité que l’on enlève au dernier moment. Mais la passion de la chasse, la fièvre du moment, peuvent hélas, écorner ce protocole. Comme l’excitation peut, elle aussi, faire oublier le tir en battue dans l’angle des 30°. Ce non-respect est d’ailleurs la cause la plus fréquente des accidents mortels (33 %). On pense avoir toujours de la sécurité, on vise un peu trop à droite ou à gauche au moment où l’animal sort de la coupe et c’est le drame.
Et la chevrotine ? On sait qu’un nombre croissant de fédérations autorisent cette munition, précisément pour diminuer les accidents mortels. Tirée à courte distance, la chevrotine ne peut pas atteindre une victime qui passe à vélo en contrebas ou une personne en train de biner son jardin mille mètres plus loin. Cette initiative a divisé les chasseurs. Certains jugent la munition contraire à l’éthique de la chasse au grand gibier. D’autres l’approuvent (voir le Betteravier du 12 février 2025) mais une chose est certaine : de plus en plus de départements sautent le pas.
Dans le rapport de l’Office Français de la Biodiversité, on lit que sur 27 accidents enregistrés lors d’un tir sur sanglier, quatre (un grave et trois légers) l’ont été avec des chevrotines. Aucun mort. Il ne s’agit donc pas d’une munition « magique » qui éviterait tous les accidents, mais d’une munition moins létale à grande distance que la balle de carabine.
Comment expliquer cette recrudescence d’accidents mortels ? Il y a une part d’impondérable, bien sûr, mais il est certain aussi que la chasse au grand gibier ne cesse de prendre le pas sur le petit. Et au sein du grand gibier, l’explosion du sanglier multiplie les ardeurs. On le chasse maintenant une grande partie de l’année, ce qui évidemment augmente les risques.
Pour conclure, il nous reste une fois encore à marteler les règles de sécurité : ne jamais tirer sans avoir parfaitement identifié, ne jamais charger l’arme en dehors de l’action de chasse, « ventre au bois » pendant la traque, respecter l’angle des 30 degrés quand l’animal est sorti. Nous verrons si, pour la saison en cours, ces recommandations font leur chemin.





