Après une année 2024 très compliquée, le secteur de la production de semences a repris des couleurs. « Les conditions climatiques étaient difficiles l’année dernière, elles ont été plus favorables cette année, nous sommes beaucoup moins affectés », résume Olivier Paul, le président de l’UFS (Union française des semenciers), lors de la conférence de presse annuelle de l’organisation, le 5 novembre. La France se maintient ainsi sur la plus haute marche des pays exportateurs de semences de grandes cultures, avec un chiffre d’affaires, pour ces dernières, de 2,3 Mrds $ en 2024 (contre 1,9 Mrds € en 2021). « Nous sommes fiers de cette position mais nous ne savons pas si nous y serons encore l’année prochaine », ajoute néanmoins Olivier Paul. En cause : un contexte géopolitique toujours plus complexe, qui suscite de grandes inquiétudes chez les producteurs de semences.
La Russie à l’offensive
Au cœur de ces préoccupations : la stratégie très offensive de la Russie, qui a fait de la production de semences, et son autonomie en la matière, un enjeu central. Une ambition d’ailleurs inscrite dans une loi fédérale de 2021. Le pays déploie à cette fin des programmes massifs de subvention pour favoriser le développement de la recherche, tout en fermant ses frontières aux semences étrangères. « Ce projet avance à marche forcée, notamment grâce à l’arrêt des importations, constate le président de l’UFS. La génétique russe est encore pauvre mais des investissements majeurs sont déployés et les surfaces élargies. La Russie, qui était le premier marché agricole pour l’exportation de semences françaises, ne nous est plus accessible. »
En parallèle de cette nouvelle donne, la filière française doit aussi composer avec les politiques douanières américaines, des tensions diplomatiques, notamment avec l’Algérie, ou la chute des exportations vers l’Ukraine. Une reconfiguration des flux commerciaux qui justifie, selon l’UFS, de sanctuariser différents soutiens à l’innovation avec, en premier lieu, le crédit impôt recherche (CIR). L’organisation plaide ainsi, dans le cadre des discussions budgétaires en cours concernant le PLF 2026, pour l’annulation des coupes opérées l’an dernier dans le montant alloué au CIR. Sept amendements ont d’ailleurs été déposés dans ce sens, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2026. « Ces rabots posent la question du maintien de notre effort, alors qu’il n’a jamais été aussi critique d’investir », regrette Olivier Paul. Selon une enquête menée par l’UFS en 2023, auprès de ses adhérents, près d’un quart des dépenses de recherche et dévelopement des entreprises semencières françaises seraient couvertes par le CIR.
Aboutir sur les NGT
À l’échelon européen, l’UFS est particulièrement mobilisée pour suivre les trilogues en cours concernant les NGT. Ceux-ci font suite à la proposition de règlement de la Commission européenne, présentée le 5 juillet 2023. « Si je veux être positif, je vais dire que nous n’avons jamais été aussi près, sourit Rémi Bastien, le vice-président de l’UFS. L’enjeu principal, à savoir où mettre le curseur pour faire la distinction entre les NGT 1 et 2, aurait avancé et un accord aurait été trouvé sur la base du texte initial. » Celui-ci fixait un plafond de vingt modifications génétiques pour qu’une variété soit encadrée par les mêmes règlementations que les variétés conventionnelles. D’autres sujets sont, pour leur part, encore en discussion. Ils concernent l’étiquetage des produits issus de NGT 1 (l’UFS est favorable à celui des sacs de semences mais s’oppose à une traçabilité jusqu’aux consommateurs), la définition d’éventuels critères de durabilité, ou la brevetabilité des traits issus de NGT 1. Sur ce dernier sujet, l’UFS défend la coexistence du certificat d’obtention végétale (COV) pour les variétés et des brevets pour les traits. Le Danemark est déterminé à aboutir à un texte avant la fin de sa présidence de l’UE au 31 décembre 2025. Si le pari était remporté, le texte ne serait cependant pas mis en œuvre avant deux ans. « Les coûts de recherche sur les NGT sont énormes pour nos entreprises, ce serait dommage de ne pas pouvoir les amortir sur nos marchés », souligne Olivier Paul.
Préparer 2026
Dernier point d’attention pour les semenciers : le projet PRM, pour Plant reproductive material (matériaux de reproduction des végétaux, MRV, en français). Celui-ci ambitionne d’harmoniser et de simplifier la règlementation encadrant l’inscription, la production et la commercialisation des semences, en centralisant dix directives, actuellement transposées dans les états membres par des règles nationales différentes. Le texte, fortement inspiré du cadre législatif français, a été déposé en même temps que celui des NGT. L’ambition est d’aboutir à un socle commun, censé prévenir les distorsions de concurrence. « Nous veillons au grain pour qu’il y ait peu d’écart entre ce texte stratégique et celui, politique, des NGT, explique Rachel Blumel, la directrice générale de l’UFS. Nous espérons avoir un atterrissage d’ici à la fin d’année pour que les trilogues puissent être entamés en 2026. » L’UFS insiste : pour préparer au mieux 2026, le secteur aura besoin de lisibilité sur l’ensemble de ces dossiers. « Nous agitons la sonnette d’alarme, donnez-nous de la visibilité pour pouvoir innover, sans quoi la dynamique à l’export en sera pénalisée », met en garde Rémi Bastien.





