Contrairement à ce qui se passe à l’étranger, les chasses à la journée qui proposent des sorties guidées avec chien ne sont pas légion. Les gestionnaires pensent, en effet, qu’à l’inverse du dicton populaire, un bon chasseur doit savoir chasser … avec son chien et que, par conséquent, ce n’est pas nécessaire de lui en fournir un. Il existe pourtant une clientèle urbaine qui en est dépourvue. La perspective d’avoir, chaque matin, à ramasser les crottes sur le trottoir la rebute. Ce sont des pratiquants qui ont eu des chiens dans leur vie mais qui, au couchant de leur activité cynégétique, n’en désirent plus. Certes, c’est une minorité, mais ce marché existe. Pourquoi s’en priver ?
» La Chaudronnerie »(1), située dans l’Oise, à cinquante kilomètres de Paris, illustre bien cette formule. Jean-Marc Linguanotto a organisé sur plus de 300 hectares une chasse qui tourne rond. Le rendez-vous – un pavillon planté au bord de la route – ne paie pas de mine. Mais on ne vient pas ici pour faire des mondanités. À l’intérieur, on retrouve la chaude ambiance des rendez-vous cynégétiques : les animaux naturalisés, les tableaux dédiés, les douilles de munitions en mode décoratif, un bar, des articles de presse encadrés. Côté territoire, c’est parfait ! Le milieu se décline en petites cultures où alternent pièces agricoles (betteraves, céréales et protéagineux) et cultures à gibier, friches et bois. On y lève du perdreau gris et du faisan.
Propriétaire d’un jour
Le domaine est assorti d’un parcours de ball-trap, installé en milieu naturel, et qui permet, hors saison de chasse, de travailler son swing. On peut, bien sûr, venir ici chasser avec son chien. C’est même la majorité des clients. Mais Jean-Marc guide les chasseurs qui en sont dépourvus. « Il y a effectivement une demande de chasseurs âgés qui, pour des raisons diverses, ne peuvent plus avoir de chiens. Mais j’ai aussi d’autres configurations. Je guide ainsi un client régulier qui a des problèmes de santé et ne peut plus épauler. Il vient faire travailler son chien et c’est moi qui tire. ».
On peut choisir la journée complète (six pièces) ou la demi-journée (trois pièces). Chaque fusil se voit attribuer un secteur où il aura la certitude d’être seul. Propriétaire d’un jour en quelque sorte.
Le chien, qu’il s’agisse d’un « buveur d’air » ou d’un leveur de gibier, est à la fête. Il y a du gibier. Suffisamment dispersé pour que cela ne tourne pas au tir de foire, mais suffisamment abondant pour entretenir le feu sacré.
Un bon fusil va tuer trois perdreaux dans sa matinée et doubler la mise l’après-midi. Globalement le perdreau vole, même si quelques oiseaux, rétifs à l’envol et, partant, au plomb, piètent à n’en plus finir. La grande joie, c’est l’explosion, au nez du chien, d’une belle compagnie dans le colza, avec ce bruit de rotor qui donne la chair de poule.
En fin d’après-midi, quand, les jambes lourdes, on rentre au rendez-vous, on a le sentiment d’être revenu, l’espace de quelques heures, aux belles journées d’antan.
Working cocker
Jean-Marc, qui s’appuie régulièrement ses 18 kms dans la journée, a testé pas mal de races pour l’assister. Il y a quelques années, il a eu le coup de foudre pour le « working cocker ». C’est un cocker qui, contrairement à son homologue de salon, a été affiné pour la chasse. Les Anglais ont mis au point cet auxiliaire qui a l’avantage d’être peu encombrant à la maison et très efficace sur le terrain. Ce jour-là nous chassions avec « Toupie », une petite chienne noire. Au rendez-vous, elle semblait bien tranquille, couchée sur son fauteuil et levant vers le visiteur un regard doux et affectueux. Sur le terrain, métamorphose ! Imaginez un drone détecteur de gibier et vous aurez une idée de l’efficacité. Pas un pouce de terrain ne lui échappe. Malgré sa petite taille, elle survole les buissons, voltige dans le colza, perce la ronce, sa courte queue vibrant en mode diapason. Il lui arrive même, à la façon de l’ours, de se dresser sur ses pattes arrière pour prendre le vent. Si la pièce tombe, elle la rapporte immédiatement aux pieds de son maître avant de bondir de plus belle. J’ai eu moi aussi un cocker il y a bien longtemps, mais il était plus paresseux, plus épais aussi. L’ennui, avec cette race, ce sont les longues oreilles qu’il faut peigner car, dans les ronciers, elles ramassent quantité de débris et il faut aussi craindre les infections dans l’oreille interne. Jean-Marc m’a dit n’avoir pas eu ce souci avec « Toupie ». Le « working cocker » ne connaît pas la fatigue. Après trois heures de chasse, elle continue imperturbablement à percer le couvert. Le ressort n’est pas détendu. Impeccable au rappel aussi. Un coup de sifflet et elle revient. Pas besoin de s’égosiller en lançant des noms d’oiseaux. La qualité du chien fait le plaisir de la sortie. Avec « Toupie », c’est réussi.
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(1) La Chaudronnerie, 47 rue des Grouettes 60119 Neuville-Bosc – Jean-Marc Linguanotto.Tel : 06 11 90 56 45.





