On se souvient du sketch des Inconnus sur la chasse. Il montrait une brochette de lascars imbibés faisant l’ouverture de la « gallinette cendrée » dans le « Bouchonnois ». Après avoir tenu des propos hilarants et pour éviter de rentrer à la maison « brecouille » (« comme on dit dans le Bouchonnois »), ils finissaient par fusiller des volatiles sortant de caisses. Ah la fameuse différence entre le « bon » et le « mauvais » chasseur ! Le sketch fait toujours rire, y compris parmi les chasseurs.

Extrêmement populaire au XXe siècle – on comptait plus de deux millions de porteurs de permis dans les années soixante-dix – la chasse a ensuite subi de plein fouet le développement des villes et le tassement de l’agriculture. Le nombre de ruraux s’est réduit alors que celui des citadins explosait. Ajoutez à cela la montée en puissance de mouvements anti-chasse, l’effritement d’une classe âgée, le désintérêt des plus jeunes et vous comprendrez que ce loisir ait sérieusement accusé le coup. Un million cinq cent mille, puis un million trois cent mille et enfin un million deux cent mille chasseurs aujourd’hui. Voici où nous en sommes. Mais il semble que le vent tourne. Le retour à la nature et la survie en milieu hostile ont maintenant la cote. Des émissions télévisées axées sur ces sujets – Koh Lanta et plus récemment « retour à l’instinct primaire » sur RMC découverte – font un carton. On y voit des candidats largués en pleine nature piéger des animaux et les manger parfois tout crus. Du coup, se balader dans la campagne avec un chien et un fusil, tuer une perdrix, un lièvre ou un canard et ramener le gibier à la maison redevient satisfaisant.

Fuir le béton

« Certains veulent voir la chasse comme une passion vieillissante, réac, d’un autre temps alors que les valeurs de la ruralité reviennent. Elles sont très à la mode, affirme le président de la Fédération, Willy Schraen. Le nombre de candidats au permis de chasse a augmenté de 64 % en dix ans et la tranche d’âge la plus représentée parmi ces nouveaux chasseurs est celle des moins de 20 ans ». Frais d’examen, permis, assurance et accès à 150 territoires de chasse gratuits, suivi personnalisé des nouveaux membres pendant deux ans, offre promotionnelle sur les équipements : l’initiative lancée en 2013 par les chasseurs de la Haute-Vienne a fait des émules. Onze autres départements se sont aussi lancés dans cette opération de promotion. Et ça marche. « Depuis 2013, nous avons multiplié par trois le nombre de nouveaux chasseurs », se félicite ainsi le directeur de la Fédération de la Haute-Vienne, Sébastien Hau.

Dans plus de la moitié des départements, le nombre de nouveaux adeptes ne cesse d’augmenter. Ils sont, pour cette saison, plus de 33 000 nouveaux titulaires du permis de chasser. Ils ne sont pas tous – loin de là ! – issus de familles de chasseurs. Beaucoup sont des citadins qui s’y mettent pour fuir le béton, respirer le bon air et mieux connaître la nature Autre facteur : la féminisation. Les femmes représentent aujourd’hui 10 % des candidats à l’examen du permis. Et ce pourcentage est lui aussi en augmentation.

La FNC à l’écoute

Reste évidemment à trouver des territoires et cela coûte cher. Le chasseur urbain doit faire de la route, coucher sur place et louer un territoire ou une fraction de territoire. La raréfaction du petit gibier de plaine n’est pas de nature à favoriser les impétrants. Car se promener sans rien voir ni tirer n’est pas motivant. Heureusement, l’explosion du grand gibier compense la raréfaction du « petit ». Il n’y a jamais eu en France autant de sangliers, de chevreuils et de cerfs. Évidemment, il s’agit – hors chasse à l’approche de printemps – d’une chasse collective. Ceux qui voudraient chasser « devant eux » tranquillement avec leurs chiens doivent se rabattre sur les chasses dites « à la journée » ou les chasses communales, moins chères mais souvent dégarnies. Reste le territoire maritime, bien pourvu et accessible avec une carte de l’association locale.

La Fédération Nationale des Chasseurs est à l’écoute des jeunes chasseurs et multiplie les initiatives pour les aider. De leur côté, ces jeunes permis se sont groupés en associations qui obtiennent des résultats tant du côté des invitations de chasse que du côté des fabricants qui peuvent leur consentir des réductions.

L’Office National des Forêts joue aussi le jeu et propose pas mal de destinations petit ou grand gibier en consentant aux jeunes des prix intéressants. La relève est le nerf de la guerre car les troupes restent âgées. Très naturellement, elles fondent. Le premier congrès « Jeunes Chasseurs » a eu lieu fin janvier 2018 dans l’Eure. Vingt associations étaient présentes, un événement qui n’avait jamais eu lieu auparavant.

Il faut ajouter que ces jeunes sont mieux formés que leurs aînés, connaissent mieux la faune et sont souvent plus raisonnables. Ils savent les règles de sécurité, identifier les espèces et retenir le coup de fusil s’il le faut. Ils sont aussi très sobres. Bref, les Inconnus auraient du mal aujourd’hui à refaire leur fameux sketch.

Tout cela devrait concourir à donner à la chasse le second souffle que beaucoup attendent depuis des années.

ÉRIC JOLY