Et si les difficultés liées au semis des couverts végétaux estivaux pouvaient être levées par une technique à la fois efficace et propice à la biodiversité et a fortiori au petit gibier ? Semer ses couverts à la volée avant moisson est une pratique qui se concrétise et apporte satisfaction à la fois aux agriculteurs mais aussi aux chasseurs grâce au programme Sem’alavolée 77. Et, pour y parvenir, il ne s’agit pas d’utiliser un drone mais bien un matériel agricole adapté au semis au-dessus d’une culture prête à être récoltée. C’est dans un premier temps un automoteur de pulvérisation Matrot de 1992 qui a fait ses preuves en tant que semoir à la volée, après d’importantes modifications techniques dont la mise en place de semoirs centrifuges Delimbe. La transformation de l’appareil a été réalisée par Guy-Michel Desmartins et Xavier Groeneweg, tous deux exploitants agricoles dans l’Yonne. « Avec l’automoteur nous avons pu implanter 240 hectares en 2022, puis 540 ha en 2023, relate Claude Féraud, directeur adjoint au sein de la Fédération des chasseurs 77, qui a piloté le projet. Cette année, nous avons gagné en capacité de semis avec, en plus, le recours à un enjambeur de vignes lui aussi adapté, ce qui nous a permis de semer 724 ha, grâce à une force d’action d’environ 160 ha par jour. »

Gratuité pour les semences de couverts

Et pour les agriculteurs sceptiques face aux charges que représente une telle pratique, le dispositif Sem’alavolée 77 a de quoi convaincre. Grâce aux différents soutiens financiers obtenus, qui prouvent que l’initiative suscite l’intérêt de différents acteurs, notamment ceux qui gravitent autour des enjeux liés à la ressource en eau, le coût de l’opération est minime pour les agriculteurs. « À hauteur de 20 ha, la semence des couverts est prise en charge par la Fédération des chasseurs », rassure Claude Féraud. Les exploitants agricoles ne doivent donc s’acquitter que du coût de la prestation de service, correspondant au passage de la machine, soit 40€/ha. Leur présence n’est pas requise durant le semis des couverts à la volée, qui s’effectue environ une dizaine de jours avant moisson.

Une belle occasion pour tester la qualité du mélange de semences qui a fait l’objet d’une sélection rigoureuse. « Elle s’est faite en fonction de leur capacité de germination en technique de semis à la volée, explique Claude Féraud. Le mélange se compose de radis fourrager, de vesce commune, de tournesol, de sarrasin, de millet ou de moha, de trèfle incarnat et d’Alexandrie, de phacélie, de bourrache. Nous avons une nouvelle collaboration avec la coopérative Valfrance pour proposer de nouveaux mélanges intéressants en termes de biomasse. La plateforme d’essais mise en place avec la Chambre d’agriculture d’Île-de-France fait état d’une biomasse à 12 tonnes/ha en 2024 et de reliquats azotés de l’ordre de 80 unités en fin d’hiver. » Désormais, l’heure est à la perfection des mélanges en fonction de chaque culture, avec des sélections adaptées par exemple avant tournesol ou en interculture courte. De quoi s’adapter de manière plus large aux différents systèmes culturaux et continuer à apporter satisfaction aux agriculteurs orientés vers la couverture de leurs sols et les techniques culturales simplifiées.

Intérêt et limite de la technique

Avec la technique développée dans le cadre de Sem’alavolée 77, l’intérêt est d’assurer une bonne homogénéité de semis, ce qui contribue à l’obtention de bons résultats de levée des couverts végétaux. En outre, un mélange varié assure une compensation en cas de déboires sur une espèce donnée. « Pour la première fois, nous avons semé des couverts sur de l’orge de printemps et d’hiver et nous n’avons eu aucun souci, assure Claude Féraud. Nous estimons que le taux de satisfaction est de 90%. » Le spécialiste fait également part de remontées de terrain encourageantes au regard du contexte climatique de l’année. Certains exploitants agricoles confrontés à des difficultés pour intervenir sur des sols particulièrement humides afin d’effectuer les semis d’automne ont tout de même pu implanter du blé sur les parcelles ayant accueilli le dispositif Sem’alavolée 77. Les limites de la technique sont liées à la présence de limaces dans certaines situations. Les problèmes de levée concernent essentiellement les sols tassés. Enfin, quelques traces de rémanence pour les cultures traitées à l’Allié (surtout concernant les trèfles) ont été observées.

Contenter les chasseurs et soutenir les agriculteurs

Le semis des couverts végétaux à la volée avant moisson représente un bon moyen de conjuguer biodiversité et potentiel agronomique, tout en offrant un abri au petit gibier en évitant le travail du sol. « Le machinisme agricole a un lourd impact sur la biodiversité et le binage par exemple nuit au gibier. Ce projet vise à éviter le travail du sol pour ne pas gêner les jeunes lièvres », illustre Claude Féraud. Dans le cadre du programme national Agrifaune, les résultats mettent en avant l’intérêt des couverts pour accueillir les insectes auxiliaires ou pour détourner les ravageurs d’une culture comme le colza.