Votée lors de la précédente mandature du Parlement européen, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, MACF, doit entrer en vigueur le 1er janvier 2026. Le principe : soumettre les produits importés dans l’UE à une tarification du carbone équivalente à celle appliquée aux industriels européens fabriquant ces produits. Un dispositif qui suscite de grandes inquiétudes dans les rangs de l’AGPB. « Ce mécanisme ferait sens si nous étions auto-suffisants, mais ce n’est pas le cas », indique Cédric Benoist, secrétaire générale adjoint de l’AGPB en charge du dossier UE, lors d’un point presse organisé le 10 octobre. En effet, l’urée et la solution azotée, qui représentent 43 % de la consommation française d’engrais, sont quasiment exclusivement issus d’importations, et donc concernées par le MACF. « Pour un bateau de 20 000 tonnes d’urée, la taxe impliquée à l’importateur serait de 144 €/t. Ce coût est insupportable, aujourd’hui nous ne pouvons pas le répercuter », prévient Cédric Benoist.

Attentisme dans les champs

Une situation d’autant plus critique que le revenu moyen des exploitations céréalières est dans le rouge depuis trois années consécutives, et que les engrais occupent désormais la première place des charges variables. Ils représentent ainsi environ 65 % du budget d’une ferme céréalière, soit 150 €/ha. Ces derniers pesaient par ailleurs plus de 16 % des charges à l’hectare pour la période 2019-2023, avec un pic en 2023 à 21 %.

« Jamais dans l’histoire nous avons eu un prix des engrais si fort avec un prix des céréales plutôt bas, autour de 160 €/t », souligne Cédric Benoist, qui rappelle que, traditionnellement, le coût des engrais est corrélé à ceux des céréales. Conséquence : « un certain nombre d’agriculteurs n’ont pas de trésorerie suffisante et retardent leurs achats, explique Cédric Benoist. Certains se posent même la question d’emblaver. » Un attentisme qui se ressent dans les champs : environ 60 % des surfaces sont couvertes, contre 70 à 80 % d’ordinaire. « En raison de ces surcoûts, les contrats ne se font pas, un déséquilibre fort entre l’offre et la demande est à attendre en janvier 2026, prévient Sylvain Lhermitte, responsable Europe et filières à l’AGPB. Nous ne savons pas comment le marché va réagir face à cette éventuelle baisse de la demande, qui pourrait entraîner une hausse des surfaces en jachères. Cela pourrait avoir également des conséquences sur les taux de protéines ou la qualité boulangère des blés. »

Crainte d’un arrêt des importations

Déjà, plusieurs importateurs auraient informé l’AGPB qu’en cas du maintien du MACF, les flux d’importations pourraient être gelées en 2026. « Débarrassé de la concurrence, le monopole des fabricants européens aurait alors le champ libre pour pratiquer des tarifications à sa guise », gronde Éric Thirouin, le président de l’AGPB.

L’organisation, qui dénonce un « torpillage économique », appelle donc à la suppression du mécanisme ou, a minima, à la mise en place d’une compensation. « Nous ne nous sentons pas écoutés alors que nous allons à la catastrophe », regrette Cédric Benoist.