La réglementation européenne en matière d’aides d’État à l’agriculture a été temporairement assouplie pendant la pandémie pour aider les secteurs non couverts par les mesures de soutien de l’organisation commune des marchés agricoles (OCM). L’OCM sert de filet de sécurité pour les agriculteurs en cas de crise du marché, notamment en contrant l’effondrement des prix.

La nouvelle législation antitrust assouplie porte le montant des subventions étatiques aux agriculteurs à 100 000 €, une somme qui peut être complétée par l’aide dite « de minimis », un type de soutien national spécifique au secteur agricole qui ne nécessite pas d’autorisation préalable de la Commission.

Il y a peu, le plafond de cette aide de minimis a été relevé à 20 000 €, voire 25 000 € dans certains cas. Cela signifie que chaque exploitation peut recevoir jusqu’à 125 000 €.

Lors du Conseil « Agriculture et pêche » du 13 mai, Janusz Wojciechowski a annoncé aux ministres de l’UE que pour l’instant, huit États membres avaient bénéficié du nouveau cadre temporaire. Ce programme met en place des instruments financiers spécifiques à l’agriculture, pour un total d’environ 1,23 million d’euros.

Toutefois, près de la moitié des aides approuvées par la Commission reviennent à un seul État membre, les Pays-Bas.

Lundi 11 mai, l’exécutif européen a donné son feu vert à un régime de subventions record de 650 millions d’euros, destiné à indemniser la perte économique subie à cause de la pandémie par les entreprises néerlandaises des secteurs de la floriculture, de l’horticulture et de la pomme de terre.

Le régime, l’un des plus élevés jamais versés au secteur agricole, allouera 600 millions d’euros aux agriculteurs et aux commerçants du domaine de la floriculture ainsi qu’aux entreprises horticoles qui opèrent sur le marché de la restauration.

L’horticulture ornementale néerlandaise lève 7 milliards d’euros par an, dont 6,2 milliards d’euros à l’exportation, ce qui représente 10 % du total annuel des exportations de produits agricoles aux Pays-Bas. Le secteur estime qu’au moins 1,3 milliard d’euros seront perdus en raison de la chute des exportations.

Bien que le marché des fleurs se soit déjà effondré, il ne bénéficie d’aucune subvention ni d’un accès au filet de sécurité de l’OCM en cas de crise. L’horticulture ornementale emploie 760 000 personnes en Europe et génère 48 milliards d’euros par an.

Le « déséquilibre néerlandais » dans le secteur agroalimentaire reproduit le même schéma contesté que les aides d’État d’urgence contre le coronavirus, dont la majorité est revenue à l’Allemagne. Une distribution qui a été critiquée, parce qu’elle met en péril l’égalité des conditions de concurrence au sein du marché unique.

Lorsqu’on lui a demandé si ce déséquilibre risquait d’attiser les rivalités entre agriculteurs dans les différents États membres, Janusz Wojciechowski a reconnu qu’il s’agissait d’une « situation particulière » qui devait être surveillée « car elle pourrait porter préjudice à la concurrence loyale et au marché commun ».

Marija Vučković, la ministre de l’Agriculture en Croatie — pays qui assure actuellement la présidence tournante du Conseil de l’UE, a déclaré que des différences ont toujours existé entre les États membres et que la crise sanitaire ne changerait pas la donne.

« Nous sommes tous en faveur du marché unique et d’un processus ouvert et transparent. Mais nous devrions également adopter le principe de subsidiarité, qui implique que chaque État membre est en mesure de choisir ce qui est le plus adapté à ses besoins », a-t-elle ajouté.

Outre les fonds accordés aux Pays-Bas, la Commission a débloqué 100 millions d’euros de prêts pour les petites et moyennes entreprises (PME) du secteur agroalimentaire en Italie, mais aussi une ligne de crédit de 35,5 millions d’euros pour la Lettonie, et 30 millions d’euros d’aides aux agriculteurs finlandais.

Au début du mandat de cinq ans de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, l’exercice délicat des compétences en matière d’aides d’État dans les domaines de l’agriculture et de la pêche a été délégué aux services de soutien de la vice-présidente Margrethe Vestager, afin de renforcer l’application générale des règles de concurrence.

Gerardo Fortuna (Euractiv.com) – traduit par Morgane Detry