Deux ans seulement ont suffi pour reconstruire le moulin de l’amidonnerie de Nesle-Saint Nicaise (Somme) après l’incendie du 6 novembre 2023. « Une prouesse collective remportée avec la collaboration de nos partenaires assureurs, meuniers, coopératives, clients, état et collaborateurs de Tereos » , a déclaré Gérard Clay, président du conseil d’administration de Tereos, lors de l’inauguration le 20 novembre 2025 devant les élus locaux. L’activité de l’amidonnerie n’a été arrêtée que trois mois. La reconstruction s’est effectuée alors même que l’usine fonctionnait.

« Avec ce moulin, l’un des plus performants d’Europe, Tereos conforte sa place de premier transformateur de céréales en France. De même que celle de deuxième producteur mondial de protéines de blé », poursuit avec fierté le président. Le moulin reste calibré pour traiter la même quantité de blé (880 000 tonnes par an). Mais l’espace pour la construction d’une quatrième ligne est déjà réservé, si le marché de l’amidon repart à la hausse. Tereos transforme déjà l’équivalent de 7 % du blé français dans toutes ses amidonneries. Soit 2,5 millions de tonnes par an, rappelle le dirigeant.

Deux fois moins d’énergie consommée

« Nous avons augmenté le rendement en farine de 1,6 % par rapport à l’ancien moulin », se réjouit Jérôme Verrié, le directeur opérationnel Tereos Europe. Autre succès, la diminution par deux du coût énergétique à volume traité égal. Soit 2 400 tonnes de blé écrasé par jour. « Cette décarbonation permet d’accompagner nos clients vers la diminution de l’empreinte carbone, complète Olivier Leducq, directeur général de Tereos. Elle s’intègre dans le cadre de Cultivate-Net Zéro. Nous économisons sur ce site plus de 6 500 t de CO2 par an, soit l’équivalent de 300 000 arbres plantés pendant 10 ans ».

De même, les frais de maintenance ont baissé de 40 % par an.

Le coût de 62 millions d’euros, y compris la participation des assureurs, se compose de 42,5 millions pour la reconstruction, le reste étant des dépenses de renforcement des unités non concernées par l’incendie.

Une synergie inter-entreprises du site optimisée

L’amidonnerie de Tereos se déploie sur 38 ha, au centre de la plateforme de Nesle-Saint-Nicaise de 70 hectares. Elle profite des synergies des différentes entreprises agro-alimentaires du cluster. Ainsi les flux de matières de l’amidonnerie sont réalisés par pipeline entre les usines. Du sirop de glucose et de saccharose pour Ajinomoto, (additifs et ingrédients alimentaires). Du glucose pour le fabricant de caramel Nigay. Du son et de la vinasse* chez Innovafeed (élevage et transformation d’insectes).

« Nous optimisons aussi les flux d’énergie (notamment vapeur et électricité), ainsi que la gestion des effluents et de l’eau. Une seule station d’épuration traite les déchets de toutes les entreprises. Elle correspond à l’équivalent d’une ville de 140 000 habitants » indique Nicolas Lemaire, directeur du site Tereos de Nesle.

L’usine tourne 24 h/24 avec 280 salariés au total. L’approvisionnement en blé se fait par camion le jour, pour l’origine picarde, et par train la nuit pour l’origine marnaise. Une voie ferrée permet l’acheminement direct de la marchandise dans l’une des six cellules de blé. Avec l’expédition des produits transformés, près de 200 camions chargent ou déchargent des matières sur le site de Tereos chaque jour. Certains sirops repartent en trains calorifuges. « Chargés à 67 °C, ils ne doivent pas descendre en dessous de 63 °C », détaille le responsable du site. Dans le futur, certaines marchandises transiteront par le canal Seine-Nord Europe très proche.

99,5 % des céréales valorisées

L’amidonnerie se compose de quatre unités. Une tour de nettoyage, l’unité broyage et séparation, le stockage de farine avec ses deux silos et le bâtiment électrique.

Le blé nettoyé est broyé et tamisé pour séparer la farine du son (entre 15 et 20 %). Ces étapes (passages dans les broyeurs à cylindre et tamisage) sont renouvelées jusqu’à six fois pour obtenir une farine plus chargée en gluten. La farine obtenue diffère de celle des meuniers. L’objectif est d’avoir des rendements d’extraction les meilleurs possibles pour les 90 tonnes de farine sortant des moulins chaque heure.

Un processus de séparation humide est appliqué pour séparer la farine en amidon et protéines. L’amidon de blé peut être modifié ou hydrolysé ultérieurement en sirops de glucose. Les différents sucres sont utilisés dans les aliments, mais aussi les dentifrices, les médicaments, les cosmétiques. Les alcools ont des usages pharmaceutiques ou spiritueux.

« Au total, nous valorisons 99,5 % des céréales ! Avec 60 % de sirop de glucose, 10 à 15 % de gluten (protéine de blé pour la boulangerie et l’alimentation), 10 % d’alcool (pharmacie, cosmétique et spiritueux) et 15 % en alimentation animale. Même les boues d’épuration sont valorisées en gaz », insiste le directeur.

*vinasse est le résidu de la distillation après la récupération de l’alcool