« Il ne faudrait pas que la France et l’Europe restent en dehors du match », a déclaré Thierry Langin, président de l’AFBV, lors d’une conférence de presse le 14 octobre dernier. Le risque de décrochage compétitif est réel. Le retard pris face aux États-Unis et à la Chine, qui développent des produits et protègent leurs innovations par des brevets, pourrait rendre l’Europe dépendante des technologies étrangères pour son propre secteur agricole et agroalimentaire.

C’est dommage, car l’Europe et la France sont excellentes en recherche fondamentale. Et les résultats, une fois publiés, deviennent disponibles pour le monde entier. Sans un cadre réglementaire permettant de les appliquer sur le terrain, l’Europe finance la recherche et fournit les données qui permettent à ses concurrents d’innover et de commercialiser. Un comble !

En matière de recherche, la base de données EU-Sage a recensé plus de 1 000 études (avec comité de lecture) sur des plantes NGT, explique Philippe Dumont, responsable des relations internationales de l’AFBV. Plus de la moitié de ces études viennent de Chine, un quart des États-Unis, mais la France apparaît en cinquième position derrière la Corée du Sud et le Japon. « La France a des capacités en ce domaine, il faut garder espoir », ajoute Philippe Dumont.

Autre signe positif, pour l’AFBV : le fait qu’en dépit de l’absence de réglementation autorisant pour l’instant les NGT en Europe, de nombreuses start-ups et PME travaillent sur leur développement, associé à l’intelligence artificielle et valorisant des découvertes venant du monde académique.

Les nouveautés remarquées par l’AFBV en 2025

États-Unis

Les États-Unis sont le pays le plus avancé en matière de produits NTG disponibles pour le consommateur ou l’industrie.

• Deux hybrides de maïs de Corteva, associant des tolérances à des herbicides (VrTH) et des résistances aux insectes.

• Une laitue romaine résistante au brunissement jusqu’à 7 jours après coupe, vendue sous forme de semences aux jardiniers amateurs par Green Venus.

• De nombreux produits approuvés pourraient être commercialisés prochainement :

– La moutarde brune éditée de Pairwise, acquise par Bayer en 2024.

– La luzerne de S&W Seeds commercialisée en collaboration avec Cibus, avec un profil en lignine modifiée pour améliorer la digestibilité des fourages.

– Des amandiers aux propriétés agronomiques améliorées par Ohalo Genetics en 2027-2028

– Corteva prévoit de lancer des variétés de maïs éditées de petite taille et des maïs résistants à plusieurs maladies, respectivement en 2027 et 2028.

• Pour 2027-2029, on peut ajouter du riz édité (Bioheuris), des blés et sojas (Bayer, Cibus, Corteva Agriscience, Syngenta), des camelines (Yield10/Great Plains Oil & Exploration, LLC et The Camelina Co.), des colzas et navettes (Bayer, Cibus, Great Plains Oil, LLC) ; des tomates enrichies en Gaba ou acide γ-aminobutyrique (Sanatech Seed), des pommes de terre à conservation améliorée (J.R. Simplot Co., Corteva), des avocatiers (Universités de Floride notamment) pour la résistance à la sécheresse et aux maladies.

Chine

Le pays est juste derrière les USA en termes de commercialisation grand public, le PCC ayant opté pour un déploiement progressif.

• Une variété de blé tolérante au mildiou, dont la farine commence à être disponible dans le nord du pays.

• Un riz à rendement amélioré et tolérant à divers stress en essais limités dans le sud de la Chine (Biotechnology Company Ltd.).

• Cinq sojas, dont trois à haute teneur en acide oléique (Shandong Bellagen), un à rendement et tolérance aux maladies renforcés (Suzhou Qihe) et un à traits agronomiques et nutritionnels optimisés (China Seed) en essais limités.

• Deux maïs à haut rendement ont été approuvés (Origin et Weimi).

• La Chine prévoit d’augmenter rapidement la part de cultures NTG disponibles à l’alimentation à partir de 2026, avec des investissements et un cadre réglementaire qui favorisent leur commercialisation à grande échelle. Ouverture aux légumes, fruits et algues marines.

Japon

• La variété de tomate Sicilian Rouge éditée pour une haute teneur en Gaba (acide γ-aminobutyrique), introduite par Sanatech, est disponible dans certains supermarchés de Kanto et Tokyo.

Philippines

• Une banane Cavendish, résistante au brunissement, a été approuvée pour la production locale, dont le lancement est prévu en 2025 par la société britannique Tropic BioSciences. Elle a obtenu des autorisations d’importation aux États-Unis et au Canada, ce qui lui confère une portée mondiale.

Europe

• Au Danemark, la société HealtyCrops valorise une découverte de l’Université d’Aarhus. Des gènes de défense très anciens, identifiés chez des plantes carnivores (Nepenthes), sont réactivés grâce aux NGT dans des plantes de grande culture (maïs, blé, pomme de terre). Cette approche confère une résistance à des champignons comme Fusarium, permettant une réduction des fongicides et la suppression des mycotoxines.

• En Italie : une start-up de l’Université de Vérone (EdiVite), créée par des viticulteurs, a développé un clone de Chardonnay résistant au mildiou par l’inhibition ciblée d’un gène. L’essai du Chardonnay résistant au mildiou en Italie a été détruit par des activistes !

• L’institut public norvégien Nibio, qui a développé une laitue Iceberg résistante à la moisissure blanche, s’interroge sur la possibilité de la commercialiser un jour en Europe.