Le rendement betteravier est prévu à 91 t/ha. Pour finir, c’est une bonne moyenne…

Oui, mais nous sommes passés à deux doigts de la catastrophe. Heureusement que les semis ont été précoces et que la météo nous a donné un coup de pouce. Le rendement moyen est bien au-dessus du rendement olympique 5 ans, de 80 t/ha, mais bien en deçà du potentiel. Et derrière cette moyenne se cachent des écarts très forts. Des rendements records côtoient des moyennes très basses dans les régions touchées par la jaunisse. Nous avons des rendements à 130 –140 tonnes dans le Nord-Pas-de-Calais et, à l’inverse, des moyennes à 50–60 tonnes, notamment en Seine-et-Marne et en Champagne.

La France aurait pu faire mieux ; elle est ainsi en retrait par rapport à la Belgique qui devrait avoir un rendement moyen de 104 t/ha. Là-bas, l’utilisation de l’acétamipride a permis un meilleur contrôle de la jaunisse.

Connaît-on l’ampleur des pertes dues à la jaunisse ?

Nous avons un certain nombre d’agriculteurs dans des situations dramatiques, qui nécessiteront une indemnisation des pertes. La récolte étant bien avancée désormais, nous faisons un état des lieux des planteurs concernés et des pertes effectives dans les régions touchées. Avec ces éléments, nous irons chercher l’indemnisation demandée dans un courrier de la CGB à la ministre de l’Agriculture en septembre dernier. C’est important pour nous car nous subissons les conséquences d’un choix politique néfaste pour nos exploitations.

Les planteurs disposeront-ils du Movento et l’Axalion en 2026 ?

Je suis confiant. La CGB et l’ITB y travaillent tous les jours. J’espère que les agriculteurs disposeront au moins des mêmes outils que cette année. Je ne peux même pas imaginer qu’il en soit autrement.

Y aura-t-il une nouvelle proposition de loi pour réautoriser les molécules interdites en France ?

Nous attendons de voir comment se dérouleront les débats, le 7 janvier à l’Assemblée nationale, à la suite de la pétition contre la loi Duplomb, ayant rassemblé plus de 2 millions de signataires durant l’été 2025. Ce débat donnera la température. L’idéal serait que le gouvernement porte un projet de loi. Sinon, une proposition de loi pourra aussi venir de députés ou de sénateurs.

Nous allons donc continuer à nous battre pour obtenir les mêmes armes que nos voisins européens et mettre fin à cette distorsion de concurrence qui plombe notre filière. Nous avons avec nous le récent rapport de l’Inrae, qui juge le programme de protection actuel insuffisant face à la jaunisse.

Avez-vous un commentaire sur la décision de Saint Louis Sucre de baisser les surfaces de 25 % ?

Cela va impacter très fortement les planteurs de Saint Louis, qui ont déjà subi une baisse de 11 % l’année dernière en moyenne. Cela commence à faire beaucoup.

La France ne doit pas faire plus d’efforts que ce qu’elle a déjà fait pour assainir le marché européen.Tous les grands pays producteurs de sucre sont encore au-dessus des surfaces de 2017, sauf la France.

Pour la Pologne, on voit clairement l’effet des aides couplées sur l’augmentation de ses surfaces.

Comment voyez-vous évoluer le prix des betteraves 2025 ?

Ils sont attendus en moyenne entre 30 et 35 €/t. Mais nous aurons un prix à deux vitesses, avec des betteraves excédentaires payées à un prix nettement inférieur. Ces prix ne couvrent pas les coûts de production des planteurs dont le rendement est inférieur à la moyenne. Néanmoins, quand on considère le contexte agricole, qui est vraiment morose, la betterave ne se défend pas trop mal, comparée aux autres grandes cultures.

Comment faire pour passer ces années de vache maigre ?

Tout mécanisme de gestion des marchés est bon à prendre : actualiser les références de prix, soutenir le stockage privé, convertir le sucre en éthanol, mutualiser la gestion des surfaces. Et puis le prix du sucre dépend aussi des importations que la Commission européenne laisse entrer en signant des accords avec l’Ukraine ou les pays du Mercosur. Il faut suspendre les importations destructrices de valeur, même dans le cadre d’accords existants. Nous attendons de la Commission européenne qu’elle protège son agriculture des importations déloyales et qu’elle ose, à nouveau, s’intéresser à la gestion de marché pour garantir aux planteurs une rentabilité dans le temps.

Que pensez-vous de la proposition de la Commission sur la nouvelle PAC ?

La réforme de la politique agricole commune est très mal enclenchée à ce stade, puisque la baisse du budget annoncée par la Commission, le 16 juillet dernier, est toujours de 20 %. Surtout, le budget agricole serait mutualisé dans un fonds unique, dont l’utilisation serait laissée à l’appréciation des Etats membres.

Le syndicalisme agricole a mis une grosse pression sur les eurodéputés et sur les Etats membres, ce qui a poussé la Commission à bouger les lignes. Sauf que, son annonce de consacrer 10 % des budgets nationaux à la politique agricole est en fait fléchée sur la ruralité. Vous voyez bien que l’on mélange l’agriculture et la ruralité.

L’autre mauvaise nouvelle, c’est que la présidence danoise a proposé de pouvoir cofinancer les aides du premier pilier ! Ce qui veut dire qu’un agriculteur évoluant dans un état qui a des moyens financiers importants pourra bénéficier de cofinancement sur ses aides directes. Connaissant la situation budgétaire française, nos agriculteurs seront désavantagés. C’est encore une fois de la compétitivité perdue. Il va donc falloir se mobiliser très fort au niveau de Bruxelles.

Vous faites référence à la manifestation prévue le 18 décembre à Bruxelles ?

Oui. Entre la PAC, le Mercosur, la taxe carbone sur les engrais… Les raisons sont nombreuses pour se mobiliser. Tout le monde est concerné. Les agriculteurs français devront se mobiliser. On annonce entre 3 000 et 4 000 manifestants à Bruxelles le 18 décembre prochain. Les agriculteurs des pays de l’Est vont venir nombreux ; les Italiens et les Espagnols seront aussi trés présents.

Le vote des états européens sur l’accord Mercosur est attendu entre le 16 et le 19 décembre. Tout n’est-il pas déjà joué ?

Notre position est très claire : nous sommes opposés aux accords du Mercosur, peu importent les mesures de sauvegarde, de réciprocité, les mesures miroir… parce qu’elles ne sont absolument pas applicables. Avec des concessions de 190 000 tonnes de sucre importé et 8,2 millions d’hectolitres d’alcool et d’éthanol importés, cet accord menace de faire perdre 50 000 ha de betteraves en Europe.

Et puis, il y a le mécanisme de rééquilibrage, qui permet à l’une des parties signataires de demander une compensation si une mesure prise par l’autre partie – par exemple l’usage de produits interdit en Europe – affecte défavorablement le commerce. Ce mécanisme, dont personne ne parle à ce stade, est extrêmement dangereux.

Avez-vous des assurances sur la position française ? Quel est le rapport de force au Parlement européen ?

On voit bien comment Emmanuel Macron s’est exprimé depuis le Brésil, où il a fait savoir que les conditions étaient réunies pour signer l’accord, avec des mesures de sauvegarde suffisantes. Puis il est rentré en France et s’est fait taper sur les doigts par les agriculteurs. Ensuite, il a repris la parole devant la presse pour dire « qu’en l’état, ce n’est pas signable ». Comment avoir encore confiance, quand on voit ces allers-retours ?

L’Assemblée nationale et le Sénat se sont prononcés quasi unanimement contre cet accord. Le Parlement européen est aussi divisé. Les propositions de la Commission sur les clauses de sauvegarde ou autres ne sont ni suffisantes, ni applicables : c’est de l’enfumage.