Non, ce ne sera pas la fin des haricots … de Soissons. Géraldine Toupet, installée avec son mari dans la SCEA Le fond du Roi, à Parcy et Tigny dans l’Aisne, y veille. Présidente de la coopérative du haricot de Soissons, elle œuvre au développement de la filière. « Je me suis installée en 2017 avec ce projet de diversification, raconte l’agricultrice. Je voulais avoir mon propre atelier. J’aime le travail au plein air. Produire un légume issu de notre terroir est une vraie motivation. » Bien que faible en superficie, avec son demi-hectare sur l’exploitation betteravière de 270 hectares, le haricot est devenu une véritable passion.

Une IGP obtenue

Et il en faut. Le fameux haricot est cultivé depuis plus de deux siècles dans l’Aisne. Mais il a failli disparaître après-guerre. À la fin du siècle dernier, la mairie de Soissons et quelques producteurs décident de relancer sa production. Recherche et multiplication de graines, expérimentation d’itinéraires techniques, recherche de producteurs, structuration d’une filière… Après la création d’une association, les producteurs précurseurs créent la coopérative du haricot de Soissons en 2003. « Ils ont fait reconnaître l’unique variété de haricot de Soissons, le Cahot, auprès du Geves (Groupe d’étude et de contrôle des variétés) » explique Géraldine. Ce haricot d’Espagne à grain blanc est unique. Plante tardive et très vigoureuse, elle grimpe jusqu’à 2,5 mètres de haut.

Mais la plus grande réussite reste l’obtention d’une IGP, indication géographique protégée, en 2023. « Cela a pris plus de 10 ans », reconnaît la présidente. Et obtenir cette quatrième IGP des Hauts-de-France fut une véritable aventure partenariale*. Possible sur 543 communes de l’Aisne, la production regroupe actuellement 17 producteurs sur 7,5 ha. Presque tous des betteraviers. « Nous recherchons de nouveaux producteurs pour développer notre offre et sécuriser la filière. Car la demande dépasse la production. Nous visons 15 à 19 tonnes, mais certaines années, nous sommes loin du compte », regrette la responsable. Le haricot ivoire à la chair fondante incomparable est recherché dans les épiceries fines, par les grands chefs et les gastronomes.

Des défis techniques à relever

« Nous proposons aux producteurs de commencer avec 20 à 30 ares, car cette culture reste très gourmande en main-d’œuvre. Jusqu’à 600 heures/ha, dont plus de 50 % pour la récolte. Mais les producteurs gagnent en efficacité au fil des années », reconnaît la présidente. Les haricots sont semés après les gelées début mai, sur une terre bien réchauffée à 30 kg/ha. L’inter-rang doit permettre de passer avec un outil pour le désherbage mécanique (de 1,7 m à 3m). Un tuteurage s’effectue avec un piquet de tête en acacia et des piquets en pin tous les 5 mètres, sur lesquels sont installés des filets de 2m50. Deux producteurs utilisent encore des échalas. Entre juin et août, le désherbage manuel est indispensable sur le rang, aucun désherbant chimique n’étant homologué.

Vers le 15 octobre, les végétaux sont coupés au pied pour arrêter l’alimentation de la plante afin que le feuillage fane. Ce qui facilite la cueillette manuelle. La coopérative réalise le battage séparant le grain de la gousse. Elle s’occupe aussi du triage, du calibrage, de l’ensachage et de la commercialisation, après un passage de 6 jours à -18 ° pour éviter tout parasite. La coopérative dispose d’une équipe de cueilleurs auxquels les producteurs peuvent faire appel. « Les temps de travaux de juin et d’été s’inscrivent bien dans une exploitation betteravière, note Géraldine Toupet. La récolte, sans urgence, peut être décalée ».

Côté investissement, la mutualisation permet de limiter les coûts. Pour un hectare, il faut compter 1 000 piquets de pin réutilisables à 4,5 € HT, 11 bobines de filets de 500 m à 89 € et 5 bobines de ficelle à 22,5 €, auxquels il faut rajouter 465 €/ha de semences (30 kg à 15,5 €/kg). Les haricots peuvent rester deux à trois ans sur la même parcelle.

Côté produit, la coopérative achète le haricot à 5,5 €/kg. Les producteurs visent 25 qx/ha, avec de grandes variations selon l’écartement des rangs, la technique et le climat. « Nous expérimentons de nouvelles techniques, comme le palissage avec des ficelles. Nous travaillons aussi sur l’irrigation. Mais surtout, nous examinons comment gagner du temps à la récolte », résume l’active présidente. L’entrepreneuse s’attelle aussi à limiter les coûts de la coopérative. Le futur trieur optique y participera.

La fierté de cultiver un produit local, noble, avec un lien très proche avec le consommateur fédère les adhérents. « Nous avons un très bon collectif. Chaque nouveau producteur est tuteuré par un ancien. Nous participons à des évènements territoriaux, comme la fête du haricot de Soissons ». La dixième édition en septembre a réuni 55 000 personnes, une vraie preuve de l’attachement à ce haricot magique.

_____________

*Avec le soutien de la région, de la ville de Soissons, des territoires locaux, de la chambre d’agriculture.