Ce 9 décembre à Paris, le président de la FNSEA Arnaud Rousseau vient de terminer son discours, devant l’assemblée générale de la CGB. Franck Sander donne alors la parole à la salle. « Y a-t-il des questions ? » lance le président de la CGB. Une femme se lève, se présente : « Virginie Lacuisse ». Elle balaie de son regard les 400 personnes présentes, s’éclaircit la voix et commence à chanter. Après un instant de surprise, le temps semble suspendu dans la salle. Sur l’air de « À nos souvenirs » des Trois Cafés Gourmands, Virginie Lacuisse évoque son village, sa famille, les questions autour de l’installation de son fils, mais surtout la filière betterave bradée au profit des importations. « Si cette chanson a eu beaucoup de succès – elle a dépassé 60 000 vues sur Facebook – je pense que c’est parce qu’elle parle de ce que les agriculteurs ressentent ».
Installée depuis 2004 à Normée, village dans la Marne à côté de Fère-Champenoise, Virginie Lacuisse se présente comme « une syndicaliste engagée et fière de l’être ». Et d’ajouter « je suis la seule femme présidente cantonale de la FDSEA de la Marne ». L’exploitation est engagée dans différentes coopératives avec détention de parts sociales à la hauteur des surfaces. « J’attache beaucoup d’importance à l’engagement et aimerais plus de liens entre coopératives et syndicalisme ».
L’exploitation de 150 hectares cultive des céréales, du colza, ainsi que des graminées porte-graines (fétuque et ray-grass pour le semencier Barenbrug). Avec 30 hectares livrés à la sucrerie de Connantre (groupe Tereos), une part importante des surfaces est consacrée aux betteraves.
Miss Better m’accompagne partout
Pourquoi poster des chansons sur TikTok, Facebook ou Instagram ? « Je suis partie du constat que beaucoup de personnes s’expriment sur l’agriculture sans toujours connaître la réalité de notre quotidien, explique Virginie. Il me paraît donc essentiel de communiquer sur mon métier. Et qui mieux que les agriculteurs eux-mêmes pour expliquer, témoigner et mettre en lumière notre belle agriculture marnaise ? »
L’agricultrice ne savait pas comment s’y prendre, mais elle suivait depuis longtemps les vidéos de Bruno Cardot. « Je l’ai rencontré lors du dernier salon de l’Agriculture et il m’a donné des conseils pour faire mes vidéos ». Virginie a aussi découvert Miss Better, la mascotte emblématique de la filière betteravière. « Elle constitue un support efficace pour valoriser l’agriculture française et illustrer nos pratiques à travers différents scénarios et mises en situation. Miss Better m’accompagne partout. Elle est très appréciée du grand public et présente sur toutes les vidéos. »
Pour démarrer son aventure, Virginie s’est fixé le défi de rythmer chaque étape de la saison betteravière par une chanson. « J’ai commencé par le semis, en adaptant l’air de Slimane « Viens on s’aime » pour en faire « Viens on sème », avec des paroles réécrites pour l’occasion. Je voulais dire à ceux qui sont contre les néonicotinoïdes qu’ils ne pourront pas nous empêcher de semer ». Publiée sur Facebook et Instagram, cette première vidéo a rapidement dépassé les 12 000 vues, et les retours très positifs l’ont encouragée à poursuivre cette initiative.
La deuxième vidéo a pour thème la croissance de la plante sur un air de Stromaé « Alors on danse » transformé en « Alors ça pousse » qui cartonne sur TikTok principalement, avec plus de 49 000 vues, mais également sur Instagram et Facebook, avec plus de 4 000 vues.
Virginie termine la saison par l’arrachage des betteraves sur un air de Christophe Mahé « On s’attache » transformé en « On arrache » avec une visibilité relativement moindre de 10 000 vues.
« Chaque fois, j’ai mis en lumière une saison de la betterave tout en variant le contenu, les lieux et les prises de vues. J’enregistre les musiques chez moi, avec un petit micro et une bande-son en fond, afin de créer un vocal réutilisable. Ensuite, je me mets en scène avec Miss Better pour réaliser de courtes vidéos. J’ai également pu compter sur l’aide d’une équipe de communication pour le montage, le temps que je me familiarise pleinement avec le concept. »
La création de ces chansons demande une véritable organisation. « Lorsque je décide d’en produire une nouvelle, l’écriture des paroles se fait à deux, puis le texte est validé par le collectif Miss Better, afin de garantir la justesse et la cohérence du message. » Les chansons sont postées sur le compte Facebook de Miss Better, puis sur son propre compte.
Selon l’actualité, il lui arrive aussi de prendre la parole pour dénoncer ce qui ne va pas. Dernièrement, une vidéo pour défendre le bioéthanol a fait plus de 45 000 vues sur TikTok, alors que le gouvernement tentait d’alourdir la fiscalité sur l’E 85. « Cette vidéo a été faite assez rapidement au coin d’un tas de betteraves, mais j’avais besoin de m’exprimer sur un sujet qui me tenait à cœur et qui montrait une aberration », déclare Virginie.
L’agricultrice fourmille d’idées. La prochaine vidéo prendra la forme d’une lettre au Père Noël. « J’ai dû chercher un Père Noël acceptant que je chante en sa présence. Quant à la mise en scène de Miss Better, j’ai réfléchi aux endroits les plus appropriés pour exprimer la féerie de Noël. J’emmène d’ailleurs très souvent Miss Better avec moi dans un sac à dos, accompagnée de différents accessoires que j’achète au fil des saisons : casquette pour l’été, broches, petits souliers de Noël… »
Prochain défi pour Virginie accompagnée de Miss Better : une descente d’un silo de betteraves en luge et en chanson bien sûr !





