Le marché mondial reprend des couleurs, avec le retour à l’achat des spéculateurs. La dernière quinzaine a même été euphorique, avec un gain du sucre brut de 12 % après la chute de mars, confirmant que cette dernière était bien technique, liée à la fin d’année comptable des fonds. Les fondamentaux reprennent le dessus et le sucre brut revient au-dessus des 16,5 cts/lb.

Côté européen, le marché ne se redresse toujours qu’au compte-goutte. La Commission européenne a réuni la filière le 19 avril dernier, lors d’un groupe de dialogue civil, et a diffusé le prix du sucre livré en février : il ressort à 380 €/t pour la région incluant la France. Une progression de 0,5 % sur le mois qui n’est vraiment pas de nature à rassurer l’amont agricole malmené par le gel. Ce n’est d’ailleurs pas de la Commission européenne qu’il faudra attendre le moindre soutien : lors de cette même réunion, elle n’a toujours pas annoncé de valeur prix spot sur le marché européen, ce qui est pourtant désormais une obligation réglementaire pour ses services, et n’a pas été en mesure de comparer l’état des stocks européens à la situation de l’année dernière, sous prétexte de Brexit ! Pire, alors que cela va faire trois ans que le sucre est sous le prix de référence, elle annonce qu’il faudra s’attendre à ce que l’Australie bénéficie d’un droit d’accès facilité au marché communautaire du sucre, lors de la conclusion du prochain accord de libre-échange qui pourrait arriver l’hiver prochain…

Arbitrage sur le marché à terme

Difficile de croire au soutien des instances européennes dans ces conditions, et, pour chasser la morosité ambiante, il faudra plutôt aller chercher de bonnes nouvelles dans les innovations contractuelles que peuvent faire des filières autour de nous. Avec le niveau de marché à terme actuel (450 $/t sur l’échéance de décembre prochain), les planteurs britanniques, qui peuvent arbitrer le prix de leurs betteraves (jusqu’à 10 % de leurs volumes) sur les marchés à terme du sucre, peuvent s’assurer d’une betterave payée à 27,5 £/t, donc plus de 31 €/t. C’est d’autant plus remarquable que ce même contrat assure une marge fixe au sucrier, choisi par lui-même, et que le Royaume-Uni n’est pas présent sur les marchés mondiaux : c’est l’illustration que les marchés à terme peuvent être de formidables outils à la disposition d’une filière.

Qu’attend-on pour faire la même chose en France ? Alors que le marché européen semble atone, et dans le contexte de gel dramatique en France, alors que la France a encore baissé ses surfaces de 6 %, des annonces de prix de cette ampleur pourraient commencer à redonner un peu le moral à la plaine !