Pourquoi avoir lancé un Guide sur la gouvernance des coopératives ?

Nous sommes à un tournant stratégique majeur pour le secteur agricole et agroalimentaire. De nombreux défis sont à relever par nos professions en matière de transition agroécologique, de bien-être animal et de réduction des phytosanitaires. Ces défis sont plus ou moins bien vécus par notre profession. C’est pour cela que nous avons lancé un grand débat coopératif il y a un an. Près de 5 000 adhérents et salariés de coopératives ont répondu.

Quels ont été les enseignements ?

70 % des répondants se déclarent proches de leur coopérative et 77 % considèrent que le modèle coopératif répond aux défis de demain. Mais 32 % affirment que leur voix n’est pas assez entendue. Cela nécessite d’aller expliquer davantage les enjeux et défis qui se posent à nous et notre stratégie pour y répondre. L’amélioration de la gouvernance est un levier pour favoriser la relation avec les adhérents et le garant de l’exécution de la stratégie. Nous avons réalisé un guide de gouvernance, composé de neuf grands chapitres, avec des propositions allant de l’animation des assemblées générales au fonctionnement des conseils d’administration, en passant par le renouvellement des générations. L’objectif est de mettre davantage en adéquation les productions des adhérents avec les attentes du marché et passer de flux poussés à des flux tirés.

Vous souhaitez que le Haut Conseil de la coopération agricole (HCCA) prenne davantage d’importance. Quel doit être son rôle ?

Aujourd’hui, le HCCA donne et retire l’agrément à une coopérative, selon ses statuts. Il est également doté d’une commission économique et d’une commission juridique. Le HCCA pourrait aussi contrôler, avec une grille de critères, l’adoption par les coopératives des propositions formulées dans le Guide de gouvernance. Il pourrait aussi avoir un rôle de vérification plus poussé des statuts des coopératives et faire des recommandations et des injonctions le cas échéant. Un des projets serait que l’Association nationale de révision (ANR) travaille davantage en collaboration avec le HCCA.

Les projets d’ordonnances de la loi Alimentation ont suscité de vifs mécontentements chez Coop de France. Avez-vous espoir de voir les textes évoluer ?

Nous avons fait un excellent travail avec le ministère de l’Agriculture depuis les premières versions des textes, en janvier, mais nous ne sommes pas parvenus à une rédaction satisfaisante. Concernant l’ordonnance sur la gouvernance des coopératives, l’article sur l’introduction de prix abusivement bas dans la relation entre l’adhérent et sa coopérative nous pose un problème. Nous espérons que le gouvernement aura entendu nos arguments et qu’il les prendra en compte. Concernant l’ordonnance sur la séparation de la vente et du conseil de produits phytosanitaires, le gouvernement semble vouloir rester sur une séparation capitalistique pure et dure, ce qui n’était pas notre souhait. Cela va engendrer un profond bouleversement dans le paysage coopératif. Nous demandons un délai supplémentaire d’un an, avec une mise en place au 1er janvier 2022. Nous attendons les versions définitives de ces ordonnances d’ici au mois de mai.

Comment analysez-vous la crise que traverse le groupe Tereos ?

Le secteur betterave-sucre traverse une crise sans précédent, liée à la suppression des quotas. Cette crise exacerbe certains problèmes et tensions au sein du groupe. Certains planteurs remettent en cause la stratégie et estiment ne pas être assez entendus. Il est nécessaire de revenir vers les adhérents pour obtenir un mandat clair de l’assemblée générale.

Quel regard portez-vous sur la crise que connaît le secteur sucrier, par rapport à celle que vous avez connue dans le lait il y a trois ans ?

Nous sommes à peu près dans le même cas de figure après la fin des quotas laitiers. Il y a cependant des différences : le secteur sucrier a fait un gros travail de restructuration sur l’aval, pour faire émerger des champions internationaux. Et la production laitière était beaucoup plus dispersée sur tout le territoire français. Nous avions eu par ailleurs un facteur aggravant, l’embargo russe, qui avait engendré un fort déséquilibre entre l’offre et la demande. Nous avions bénéficié ensuite d’un plan de soutien européen pour du stockage de poudre de lait à l’intervention et pour réduire la production européenne de manière volontaire. Nous venons seulement de finir d’écouler les 380 000 tonnes de poudre de lait qui avaient été stockées.

Y a-t-il des risques pour l’agriculture française avec la future PAC ?

Nous souhaitons une PAC ambitieuse, qui protège davantage les agriculteurs, qui empêche les distorsions de concurrence entre pays et interdise les importations de produits ne répondant pas à nos critères sanitaires et environnementaux européens. Nous sommes d’accord pour qu’il y ait des subsidiarités mais sans distorsions. Il faut aussi que la PAC soit plus engagée sur la gestion des risques, par exemple en favorisant l’assurance récolte, avec un budget cumulable d’une année sur l’autre, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il faut aussi une PAC qui anticipe le renouvellement des générations et permette d’investir dans la recherche. La France doit se battre pour maintenir un budget constant, tenant compte de l’impact du Brexit. Cela ne peut pas être une baisse de 17 % comme proposé par la Commission européenne.

Propos recueillis par Adrien Cahuzac