La proposition posée sur la table par la Commission européenne ne satisfait ni le gouvernement ni les parlementaires, qui ont protesté cette semaine lors d’une énième réunion de concertation organisée à Helsinki par la présidence finlandaise tournante.

« C’est un dialogue de sourds » dénoncent les présidents des commissions des affaires économiques du Sénat et de l’Assemblée nationale, ainsi que la commission des Affaires européennes du Sénat.

En tant que principal bénéficiaire de la PAC, la France n’a aucun intérêt à ce que les budgets alloués aux agriculteurs soient rognés, encore moins attribués au niveau national, ce qui reviendrait à un surcoût pour la France ou au rabotage des aides actuelles dont bénéficie le secteur.

En France, les aides européennes aux agriculteurs pèsent environ 9,5 milliards d’euros par an, soit trois fois plus que les aides provenant du budget national (environ 3 milliards d’euros). En tant que premier bénéficiaire de la PAC, Paris s’est fait un devoir de défendre le budget de la future PAC, que la Commission européenne veut revoir à la baisse.

La répartition actuelle des aides n’est pourtant pas optimale et certains appellent de leurs vœux un rabotage. Les aides serviraient les intérêts des plus gros exploitants ainsi que des producteurs de produits chimiques, plus que les agriculteurs : c’est l’analyse de la gauche, mais aussi de la très sérieuse Cour des comptes française, qui a dénoncé dans un rapport la façon dont les aides sont réparties en France.

« Depuis 18 mois les parlements partout en Europe se sont exprimés avec l’idée que personne n’est d’accord avec les propositions de la Commission. Lundi à Helsinki, tous les parlements étaient représentés à part la Belgique et le Portugal. Tous réclament de conserver les aides, et la Commission ne veut rien entendre » s’énerve Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques du Sénat.

Du côté du ministère de l’Agriculture, les discussions sur le budget de la future PAC se font « contre la Commission européenne qui veut les baisser » a reconnu le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Didier Guillaume, lors d’un passage sur France Inter le 30 octobre.

Mais les parlementaires s’interrogent sur la position de la France, qui claironne d’un côté qu’elle souhaite préserver le budget de la PAC, mais défend aussi celui de la recherche, de la défense, du climat etc. « On ne connait pas les arbitrages précis : qu’est-ce que la France défend exactement ? », se demande la sénatrice.

Autre cheval de bataille, la France refuse la souplesse supplémentaire proposée par la Commission européenne, qui pourrait entrainer des situations de dumping écologiques par exemple, si un pays décide de réduire les aides liées aux efforts sur l’environnement

Cette renationalisation de la PAC pourrait entrainer une « concurrence terrible » entre les différents États membres de l’Union européenne. Mais sur ce front, le ministre de l’Agriculture s’est montré rassurant. Concernant la renationalisation de la PAC « je crois que c’est abandonné et que nous avons gagné la partie », a affirmé le ministre.

La réforme de la PAC devra aussi davantage soutenir la transition agroécologique, a affirmé le ministre. « Aujourd’hui la France porte l’idée que les aides agricoles soient vraiment axées sur la transition agroécologique », a maintenu Didier Guillaume, citant notamment le renforcement de l’indemnité compensatrice des handicaps naturels.

Pour autant, la Commission européenne n’a pour l’instant pas mis sur la table de nouvelle proposition pour la future politique agricole commune.

Aline Robert et Cécile Barbière (Euractiv.fr)