Nul ne peut chasser le dimanche, les jours fériés, et pendant les vacances scolaires. » C’est en ces termes que 13 députés de la France Insoumise ont déposé le 21 novembre dernier une proposition de loi visant à réduire l’exercice de ce loisir.

Dans l’exposé des motifs, ces députés font valoir « qu’il existe bien d’autres libertés également reconnues par la loi : se promener, parcourir les sentiers de randonnée à pied, à vélo, à cheval, en raquettes, faire du sport dans la nature, se rendre sur les voies d’escalades, cueillir des champignons, des baies, des fleurs, pour les espèces autorisées, simplement observer la nature, la faune, la flore, tout seul ou en famille, avec des ami-e-s et évidemment pour les groupes scolaires lors des sorties qui sont des occasions, parfois rares pour les enfants, de découvrir la nature qui les environne. Autant d’activités pacifiques qui sont mises en danger par l’autorisation de la chasse,
par la peur légitime qu’elle suscite. »

Que répondre ?

D’abord les auteurs semblent ignorer les bases juridiques qui régissent l’exercice de la chasse. Nous ne sommes pas dans un État collectiviste. Les territoires appartiennent majoritairement à des propriétaires privés. Contrairement au promeneur et au ramasseur de champignons, les chasseurs ont payé à ces propriétaires une redevance qui leur permet légalement d’évoluer sur leurs terres. Les autres « usagers de la nature » n’ont pas ce droit. Certes les propriétaires du foncier les laissent généralement passer, mais il s’agit d’une tolérance. Les responsables des sociétés de chasse préviennent les autres usagers de la nature en plaçant des panneaux « chasse en cours ». Les promeneurs, les randonneurs, les ramasseurs de champignons, les cavaliers, les cyclotouristes doivent bien évidemment les respecter pour une raison simple : ils ne sont pas chez eux. En ce qui concerne le domaine public (forêts communales ou appartenant à l’ONF), les chasseurs ont là encore signé des conventions avec les responsables les autorisant à pratiquer leur loisir contre rétribution. Les auteurs de la proposition de loi en sont d’ailleurs conscients, puisque dans l’exposé des motifs on lit : « qui irait se promener avec ses enfants dans une forêt où on entend des coups de feu, quoi qu’étant dans son bon droit? » C’est rédigé avec les pieds mais on comprend.

Cinq mois sur douze

La chasse n’est pas anarchique. Elle est solidement codifiée. On ne peut pas chasser n’importe où, n’importe quand, n’importe comment. La saison de chasse dure environ cinq mois. Cinq mois sur douze… Sur les sociétés communales, les relations entre chasseurs et promeneurs ne posent pas de problème. La majorité des promeneurs savent qu’ils passent sur des terrains privés et par conséquent respectent les règles. Si les propriétaires terriens ou forestiers ont consenti le droit de chasse à une société communale ou à une association, on ne voit pas qui pourrait le leur interdire. À moins bien sûr d’un bouleversement profond et même « révolutionnaire » de notre société.

L’activité des chasseurs est d’autant plus précieuse qu’à une époque où le grand gibier explose il faut bien mettre en place une régulation. Certes, dans certains pays – quelques cantons suisses par exemple – la chasse a été abolie. On a remplacé le fusil du citoyen par le fusil du fonctionnaire. Il a bien fallu en effet réduire les populations de grands animaux. Donc on ne chasse plus mais on « abat ». Cela coûte évidemment beaucoup plus cher à la collectivité. Sur l’aspect « dangereux » de la chasse, il y a eu 13 accidents mortels l’an dernier – un chiffre en recul constant. À une écrasante majorité les victimes sont des chasseurs.

Cela posé, la chasse peut-elle être considérée comme dangereuse ? Comparée aux autres loisirs la réponse est négative.

Moins dangereuse que la montagne ou le kayak

Selon une étude réalisée par les chercheurs de l’Institut de veille sanitaire en 2010, les sports les plus meurtriers sont les sports de montagne, à l’origine de 99 décès. Les sports aquatiques sont également plus dangereux que les autres. Ils ont fait 50 morts pendant l’année de référence, dont 23 plongeurs et 12 kayakistes. La chasse vient derrière. Or personne ne songe à interdire l’alpinisme, le ski, la randonnée ou le kayak le dimanche.

Par ailleurs, 540 piétons sont morts fauchés par des voitures en 2016. Et, apparemment, il n’y a aucune proposition de loi déposée au Parlement pour demander l’interdiction de rouler le dimanche.

Dans ce contexte, imposer l’interdiction de la chasse le dimanche n’a aucun sens. Comme la majorité de nos concitoyens les chasseurs exercent leur loisir pendant leur temps libre c’est-à-dire le week-end. Cette interdiction sonnerait en réalité comme une quasi-abolition. Tel est d’ailleurs le but poursuivi.

Rassurons nos lecteurs chasseurs : une proposition de loi n’est pas un projet de loi (gouvernemental) et il y a peu de chances que ce texte soit un jour débattu dans l’hémicycle.

Cela posé et comme c’est apparemment une idée qui fait son chemin, il n’était pas inutile, semble-t-il, d’en montrer les failles.

Eric Joly