Le foncier est un outil de production indispensable. Mais il n’est pas toujours nécessaire que l’exploitant détienne les terres en nom propre. C’est encore difficile à admettre pour beaucoup d’agriculteurs, mais il peut être intéressant que la société acquière les terres à titre professionnel.

Des plus-values exonérées

Si les terres sont inscrites au bilan de l’entreprise, leur cession future sera totalement exonérée des plus-values professionnelles. Pour en bénéficier, l’entreprise doit avoir réalisé moins de 250 000 € de chiffre d’affaires au cours des deux derniers exercices clos et être en activité depuis au moins 5 ans. Pour un associé exploitant, le seuil des 250 000 € s’apprécie en fonction de sa part dans le capital (article 70 CGI).

Lorsque les terres sont au bilan, passé un délai de 15 ans, la plus-value est aussi exonérée (article 151 Septies B : abattement de 10 % par année de détention au-delà de la 5e année). Autrement dit, passé ce délai, si l’entreprise revend les terres ou les passe dans son patrimoine privé, la cession sera exempte de plus-values. Lorsqu’une plus-value est due, elle est imposée, depuis le 1er janvier 2018, à 12,8 % sur le revenu et amputée de 17,2 % de prélèvements sociaux. Si l’exploitant a opté pour le maintien des terres dans son patrimoine privé, la plus-value est exonérée d’impôt au bout de 22 ans et de prélèvements sociaux après 30 ans de détention. Si la plus-value est due après abattement, elle est imposée à 12,8 % auquels s’ajoutent 17,2 % de CSG et CRDS.

Des charges déductibles

Les charges afférentes à l’achat à titre professionnel (frais d’acquisition et de Safer, intérêts du prêt, taxes foncières…) sont déductibles du résultat imposable. La TVA sur les frais d’acquisition est par ailleurs récupérable. Cette option n’est pas possible lorsque les terres sont acquises à titre personnel. Et, seul l’impôt foncier est partiellement déductible. Toutefois, le Conseil d’Etat admet, pour un exploitant individuel, la déduction d’un « loyer à lui-même ». Il réalise alors une optimisation fiscale et sociale puisque le fermage minore le revenu professionnel. Il peut ainsi déduire les frais financiers des terres achetées à titre personnel. En outre, opter pour la « rente du sol » permet de réduire l’assiette des cotisations sociales en excluant le revenu du capital foncier. Si l’achat est réalisé par un exploitant associé d’une société civile agricole (Gaec, EARL, SCEA…) car ce dernier était titulaire du bail et a exercé son droit de préemption, les terres sont mises à disposition de la société. En échange, il perçoit un fermage duquel il peut déduire les impôts fonciers et les intérêts d’emprunt. Pour préparer sa succession et bénéficier de l’exonération d’IFI (1) et de droits de mutation, il pourra réaliser un bail à long terme à la société. Mais lorsque les terres ne sont pas au bilan, l’associé doit rembourser l’emprunt sur ses propres ressources ce qui dégradera son compte courant d’associé car souvent, le fermage perçu ne couvre pas l’annuité. C’est pourquoi, il peut être préconisé de faire apport des terres à la société, à charge pour elle de rembourser les annuités d’emprunt.

Une transmission facilitée

La détention à titre professionnel se révèle aussi avantageuse lors d’une transmission quand les associés signent un Pacte Dutreil. Les héritiers bénéficient alors d’un abattement de 75 % des droits de succession s’ils prennent l’engagement collectif de conserver l’entreprise pendant au moins deux ans. Le principal inconvénient de l’inscription des terres au bilan est qu’elles peuvent être saisies si l’entreprise connaît des difficultés financières. Le dispositif ne présente pas non plus d’intérêt s’il s’agit par exemple de terres de famille reçues dans le cadre d’une transmission à titre gratuit et qui ne génèrent pas de charges financières. A l’inverse, cette stratégie est intéressante si la proportion de terres nouvellement acquises est significative. Attention, l’exploitant n’a pas la possibilité d’inscrire seulement les terres pour lesquelles l’option présente des avantages. Le choix est global. Mais il est réversible à tout moment en fonction de la vie de l’entreprise (héritage, achat, transmission…) et des projets de l’exploitant. Chaque situation est donc à analyser avec son conseiller.


(1) Impôt sur la fortune immobilière qui remplace dorénavant l’ISF.

ERIC QUINEAU, directeur associé CBLEXPERTS, FITECO, membre d’AGIRAGRI.