Le 20 janvier dernier, la tonne de blé valait 234 € sur le marché de Rouen, après avoir progressé de 40 € en huit jours (1). Ce même 20 janvier, le prix de la tonne de maïs avait atteint 215 € sur le marché de Bordeaux (+ 13 € en 8 jours, + 60 € en 6 mois).

Depuis, les cours se sont repliés avant d’augmenter de nouveau le 27 janvier dernier. Après des mois de sécheresse, les intempéries en Amérique du sud rendent les récoltes difficiles tandis qu’en Ukraine un froid polaire s’est abattu sur des céréales, causant des dégâts importants.

Mais surtout, les marchés agricoles sont en proie à de nombreuses opérations de spéculation. Les banques détiennent des milliards d’euros de liquidités qu’elles n’emploient pas seulement pour prêter de l’argent aux entreprises et aux ménages. Une bonne partie des liquidités disponibles est aussi investie sur des marchés agricoles particulièrement attractifs.
Autrement dit, les opérateurs n’anticipent ni une sortie de la crise sanitaire, ni le retour à une certaine prospérité. Ils lorgnent les bonnes affaires à réaliser en se positionnant sur les marchés de quelques produits agricoles très tendus.

En effet, plusieurs facteurs climatiques, géopolitiques et sanitaires (liés à l’expansion de l’épidémie de la Covid-19) perturbent le fonctionnement des marchés.

La production mondiale record de maïs (1 132 Mt) est insuffisante pour couvrir la demande mondiale (1 161 Mt). La Chine accuse à elle seule un déficit de 28 Mt, la conduisant à importer subitement 15 Mt.

Par ailleurs, l’expansion durable de la crise sanitaire de la Covid effraie. De nombreux pays importateurs nets de blé ont sécurisé, dès le début de la campagne, leur approvisionnement, alors que la céréale était encore bon marché.

En conséquence, la Russie aurait déjà expédié 27 Mt de blé. Et comme l’offre de céréales disponible se réduit, les opérateurs prennent des positions d’achat et de vente sur les marchés. Si bien que les gouvernements de certains pays exportateurs n’ont pas attendu pour réagir.

Des marges d’action limitées

En Russie, les autorités ont annoncé une taxation de 25 € par tonne de blé exportée à partir du 15 février prochain. Cette taxe sera ensuite portée à 50 € le 1er mars suivant. Et le 15 mars prochain, deux taxes pénaliseront les exportations d’orges (10 €/t) et de maïs (25 €/t).

L’Ukraine serait aussi tentée de contingenter ses exportations de maïs, en limitant ses ventes à 24 Mt.

Dans l’hémisphère sud, le gouvernement argentin limitera à 8,5 Mt les exportations de blé dont la production n’excèderait pas 17 Mt (- 3 Mt sur un an).

Aussi bien en France que dans l’Union européenne, les hausses de prix des céréales surviennent alors que la campagne de commercialisation est déjà bien entamée. Au 11 janvier 2021, notre pays avait déjà vendu 4,06 Mt de blé et 1,7 Mt d’orges à des pays tiers, sur les 7,2 Mt et 3 Mt disponibles (source FranceAgriMer).

À la même période, l’UE avait expédié 4,6 Mt de blé et 5 Mt d’orges sur les 17,5 Mt et 10 Mt disponibles.

En conséquence, les marges d’action pour bénéficier de la conjoncture des prix sont faibles. Les céréaliers qui disposent encore de stocks sont assurés de vendre le reste de leur récolte plus cher. Par ailleurs, la récolte 2021 est déjà en terre. Toutefois, 24,5 Mha ont été semés dans l’UE (+ 8 % plus sur un an), dont 4,5 Mha (+12 %) en France, augurant un potentiel de production important l’été prochain.

En attendant, les agriculteurs peuvent se positionner, sur les marchés à terme, pour une partie de leur prochaine production afin de bénéficier du niveau élevé des prix de la céréale.

Enfin, l’hiver n’est pas fini et de nouvelles mesures douanières ne sont pas à exclure. Les pays exportateurs de céréales ne sont pas non plus à l’abri d’évènements climatiques, qui ne manqueraient pas de faire réagir les marchés. Au Brésil, El Niño altère le potentiel de production des cultures de maïs et de la Safrina en particulier ! Enjeu : une récolte à venir de 106 Mt d’ici la fin de l’été austral !